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Elle disait :

Madeline fut madame ;
Elle eut une bague au doigt,
Un bracelet au bras droit,
Un rubis couleur de flamme,
Du satin et du velours,
Et tout plein d’autres atours.

La figure de Martel s’éclaira. Il eut cette fois un gai sourire, comme si la voix de la chanteuse eût éveillé au fond de sa tristesse un doux et bon souvenir.

— Bleuette ! murmura-t-il, je parie que c’est Bleuette !…

Il voulut presser le pas de son cheval, mais c’était là chose impossible : la pauvre bête n’en pouvait plus. Tandis que Martel tirait de son mieux sur la bride, la chanson continuait :

Son collier de perles fines
Valait bien trois’ cents écus,
Pour ne rien dire de plus ;
Quand elle allait à matines
Lire son Confiteor,
C’était dans un livre d’or !

La chanteuse fit sur ce dernier mot une de ces périlleuses roulades qui percent si souvent le silence des soirs par les routes désertes de la Bretagne.

Martel, attachant son cheval à un arbre, grimpa lestement sur une des pierres qui abondaient dans le taillis.

Il jeta son regard tout autour de lui, cherchant à découvrir Bleuette, la gaie chanteuse.

Il ne vit rien, Bleuette avait sans doute tourné le sommet de la colline, car le vent lui apporta indécis et confus le troisième couplet de la complainte.

Comme il allait redescendre, une retraite brillante, à trois trompes, éclata derrière le grand rocher de Marlet, qui marquait le détour de la Vanvre.

Martel n’était pas à plus de deux cents pas de ce rocher.

Il porta ses yeux dans cette direction, s’attendant à voir déboucher de l’autre côté de la rivière un équipage de chasse.

Mais rien ne se montrait encore.

Le premier coup de vent de l’orage tomba sur la vallée en ce moment, courbant la cime des taillis dont les feuilles brillèrent trempées de pluie.

Martel, cependant, ne quittait point son poste, où il recevait en plein l’averse.

Il regardait toujours du côté de la grande roche, à l’endroit où devait se montrer la chasse.

À force de regarder, il crut apercevoir, à travers la brume soulevée par