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Le boudoir gardait son aspect de mollesse lascive ; le jour suave et timide glissait sur les peintures amoureuses ; l’air chaud, où nul parfum vulgaire ne jetait ses douteuses délices, avait pourtant je ne sais quelles émanations capables d’enivrer, vagues, subtiles, pénétrantes, et qui semblaient s’exhaler de la femme elle-même.

C’était toujours le temple érotique, mais la déesse s’était changée en furie ; Vénus fronçait le sourcil et les serpents tragiques étaient à son front, au lieu de sa riante couronne de grâces.

Elle s’efforçait ; ses tempes se mouillaient ; ses lèvres crispées prononçaient à demi des paroles confuses.

Parmi ces paroles un nom revenait, toujours insaisissable à l’oreille : le nom d’un homme.

Et malheur à cet homme détesté ! Malheur ! car le rêve de Sara suait la haine, et sa bouche aride semblait demander du sang !

Elle s’agitait toujours de plus en plus ; son effort aveugle s’obstinait. Son cou se roidit ; sa tête se souleva lentement, vigoureuse, et terrible.

Elle joignit ses mains, dont les articulations craquèrent, avec la force qu’on met pour étouffer un ennemi. Le nom glissa une dernière fois entre ses lèvres plissées, mais distinct et nettement prononcé.

— Franz !… dit-elle encore.

Et ses sourcils se détendirent ; sa tête retomba mollement sur l’oreiller. C’était le repos après la lutte victorieuse.

La panthère aussi se couche indolente et gracieuse, quand sa proie tuée ne bouge plus…

C’était toute la vie de Petite qui se reflétait fidèlement dans les trois phases de son sommeil ; cette vie étrange, qui souriait au monde, innocente et tranquille, cette vie avide de voluptés derrière le voile et où le plaisir gracieux arrivait au crime par le vice.

Un masque de pureté, voilant la couronne de roses des bacchantes, et, sous les roses effeuillées, de l’or avec du sang !…

Elle s’éveilla. Son regard rencontra la glace, qui lui renvoya son visage, où il y avait maintenant de la fatigue ; elle se souleva et mit sa tête inquiète tout auprès du miroir.

Elle regardait, attentive, et un nuage de tristesse descendait sur son