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— Est-il possible ! déclama mademoiselle Olive qui voulait avoir l’air de comprendre.

— Il n’y a point entre nous de bonne parenté, monsieur, reprit Didier en faisant effort pour concentrer sa colère au dedans de lui-même ; je vous menace, en effet, de vous chasser, mais non pas de votre maison, car ce château est ma propriété.

— Pour ça, tu en peux faire serment, mon enfant chéri ! murmura la dame Goton Rehou.

— Oui dà ! s’écria Vaunoy en ricanant ; vous croyez cela ?… Eh bien ! mon jeune cousin, vous êtes dans l’erreur. Permettez que je m’absente une minute… le temps d’aller jusqu’à mon cabinet… et je reviendrai vous apprendre une foule de choses que vous paraissez ignorer.

Il salua et sortit. — Le capitaine demeura indécis et ne sachant plus trop sur quoi compter.

Béchameil, l’officier rennais et mademoiselle Olive se formèrent en groupe afin de gloser à leur, aise sur cet événement étrange.

Pendant que chacun était ainsi diversement occupé, la figure noircie du charbonnier Pelo Rouan se montra sur le seuil. Il tenait sous son bras un petit coffret de fer tout rongé par la rouille. La vieille Goton seule l’aperçut et fit un mouvement de surprise, mais Pelo Rouan mit un doigt sur sa bouche. — Pelo se glissa dans l’ombre projetée par l’un des hauts battants de la porte ouverte.

Presque au même moment, M. de Vaunoy reparut, suivi de maître Alain. Il avait à la main un parchemin déplié.

— Mon jeune ami, dit-il d’un air d’insolent triomphe à peine tempéré par son habitude d’hypocrite courtoisie, je vous prie humblement de m’excuser si je vous ai fait attendre. Veuillez prendre connaissance de cet écrit.

Le capitaine prit le parchemin et lut.

C’était l’acte de vente écrit tout entier de la main de Nicolas Treml et confié par ce dernier à Hervé de Vaunoy.

En lisant, Georges devint pâle.

— Il paraît, murmura Béchameil, que cet écrit ne fait point plaisir au jeune homme ; mais comment diable ressaisir mes cinq cent mille livres ?

— Chut ! fit mademoiselle Olive avec beaucoup d’importance.

— Monsieur, dit le capitaine après un silence, — il y a en tout ceci quelque odieuse machination que je ne comprends pas… Comment vous, pauvre et nourri des bienfaits de mon aïeul, avez-vous pu acheter et payer son domaine ?

— L’économie ! mon jeune ami, répondit Vaunoy en raillant ; — avec de l’économie et quelque triture des affaires, on accomplit des choses réellement surprenantes… Mais à n’est pas la question, et j’espère qu’il ne vous prendra plus fantaisie de me menacer… Voulez-vous que nous fassions la paix ?

— Jamais ! s’écria Georges en repoussant la main que Vaunoy lui tendait. Je puis vous épargner pour l’amour de votre fille ; je puis mettre un voile sur vos infamies…