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Jean Blanc montra du doigt un coin de la table où se trouvait ce qu’il faut pour écrire, et reprit :

— Je vais dicter, écris :

« Moi, Hervé de Vaunoy, je déclare reconnaître dans la personne du sieur Didier, capitaine au service de S. M. le roi de France et de Navarre, Georges, petit-fils et légitime héritier de Nicolas Treml de la Tremlays, seigneur de Bouëxis-en-Forêt, feu mon vénéré parent ; en foi de quoi je signe. »

Vaunoy n’hésita pas un instant. Il écrivit et signa couramment sans omettre une syllabe.

— Et maintenant, dit-il, suis-je libre ?

Jean Blanc épela laborieusement la déclaration et la mit dans son sein.

— Tu es libre, répondit-il ; mais songes-y et prends garde ! Désormais je n’ai plus besoin de toi, cache bien ta poitrine qui n’est plus protégée contre ma vengeance. Va-t-en !

Vaunoy ne se le fit point répéter. Il se dirigea au hasard vers l’un des centres de la lumière.

— Pas par là ! dit Jean Blanc. Yaumi, bande les yeux de cet homme, et conduis-le au delà du ravin… Encore un mot, monsieur de Vaunoy : vous allez trouver à la Tremlays Georges Treml, le fils de votre bienfaiteur, le chef de votre famille, si tant est que vous ayez dans les veines une seule goutte de ce noble sang, — ce dont je doute… reconnaissez-le tout de suite, croyez-moi, et traitez-le comme il convient.

Vaunoy donna sa tête à Yaumi qui lui banda les yeux et le prit par le bras. Ils remontèrent ainsi tous les deux les escaliers humides et glissants qui descendaient dans le souterrain. Puis Vaunoy sentit une bouffée d’air et aperçut une lueur rouge à travers son bandeau. Il respira avec délices et ne put retenir une joyeuse exclamation.

— Vous avez raison de vous réjouir, dit Yaumi. Je crois que le diable vous protège, car, où vous ayez passé, un honnête homme eût laissé ses os… C’est égal. Vous l’avez échappé deux fois ; à votre place je m’en tiendrais là.

— Tu es de bon conseil, mon garçon, répondit Vaunoy qui commençait à se remettre ; — je ferai mieux : je vendrai mon château de la Tremlays ; je vendrai mon manoir de Bouëxis-en-Foréi, et je m’en irai si loin que, je l’espère, je n’entendrai plus parler des Loups. Adieu !

Yaumi le suivit de l’œil tandis qu’il s’enfonçait hâtivement sous le fourré.

— Du diable si je n’aurais pas mieux fait de le laisser pendre la première fois qu’on a noué une corde à son intention, grommela-t-il ; mais le maître a son idée et il est plus fin que nous.

Vaunoy traversa le fourré au pas de course et s’engagea, sans ralentir sa marche, sous les allées de la forêt. Il ne se retourna pas une seule fois durant toute la route, et bien souvent il eut un frisson de frayeur en voyant s’agiter les branches de quelque buisson.

Aucun accident ne lui arriva en chemin.

Lorsqu’il se trouva enfin entre la double rangée des beaux chênes de l’avenue