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son entonnée joyeusement sur la banquette, il s’endormit en murmurant :

Sur l’air du tra la la la.
Sur l’air du tra la la la.
Sur l’air du tra deri dera,
La la la !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Geignolet l’idiot avait retrouvé Gertraud à la place où il l’avait laissée, au fond de l’allée de Hans Dorn. Dès que la jeune fille l’aperçut, elle s’élança vers lui.

— Où est-il ? s’écria-t-elle.

— Je veux mes sous ! répondit l’idiot.

Gertraud l’entraîna jusque dans sa chambre, et lui mit des sous plein les deux mains.

L’idiot poussa un cri de joie.

— Hue ! fit-il, en voilà-t-il des Jacques !… Vous êtes une bonne fille Gertraud !… Le frère est en diligence, comme un monsieur.

— Quelle diligence ?

— Ils disent que ça va dans un pays qu’on appelle l’Allemagne, et qui est bien loin d’ici.

Gertraud joignit les mains.

— Et tu n’as rien appris de plus ? murmura-t-elle d’une voix étouffée.

— Oh ! que si fait ! répliqua l’idiot ; il va là pour tuer un homme.

Gertraud chancela.

— Il est parti avec ce vieux chineur de Fritz, reprit l’idiot, qui a un paletot gris déchiré et qui pompe du dur toute la journée… et le papa Johann lui a donné de l’argent pour faire le coup là-bas.

Gertraud s’affaissa sur une chaise et ses yeux se fermèrent.

L’idiot resta deux ou trois secondes à la regarder ; puis sa physionomie prit une expression d’astuce singulière.

— Tiens, tiens ! pensa-t-il, la voilà qui dort pour tout de bon…

Il traversa la chambre sur la pointe des pieds et entr’ouvrit doucement la porte de Hans Dorn.