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XXIV
LA LOGE.


Nul obstacle n’empêchait plus Jude Leker de franchir le seuil de la loge. Fleur-des-Genêls, en effet, obéissant à la voix de son père, s’était mise à l’écart. Néanmoins, le vieil écuyer ne se pressait point de profiter de la permission donnée. Il demeurait immobile, à la même place, craignant un piège et se demandant quel pouvait être cet homme qui affectait de prononcer le nom de Treml avec amour.

La défiance, au reste, était permise en ce temps et en ce lieu. L’intérieur de la loge avait un aspect étrange et fait pour inspirer les soupçons. La lumière n’y pénétrait que par la basse ouverture de la porte, de telle sorte que, du dehors, tout y paraissait plongé dans une obscurité profonde. On éprouvait là ce sentiment de vague crainte qui prend le voyageur au moment de passer l’ouverture d’une grotte ténébreuse, au fond de laquelle reluisent les regards phosphorescents d’un animal inconnu.

Jude était arrivé de la veille. Vingt années de captivité avaient dû changer son visage, et pourtant il y avait là, dans la nuit de cette sombre loge, un homme qui savait son nom et qui lui disait :

— Je t’attendais !

Était-ce un ami ou un ennemi ? et cette cabane inhospitalière, qui s’ouvrait pour lui seul, ne cachait-elle pas une embûche ?

Jude était brave jusqu’à la témérité ; mais il se devait à la volonté dernière de son maître : il avait frayeur de mourir avant d’avoir obéi.

Néanmoins, son hésitation ne fut point de longue durée. Un second regard jeté sur les traits angéliques de Fleur-des-Genêts chassa de son esprit toutes noires pensées. Où habitait cette enfant il ne pouvait y avoir trahison.

Jude entra dans la cabane. Ses yeux, habitués au grand jour, ne distinguèrent rien d’abord.

— Par ici, dit la voix.

Le bon écuyer tourna aussitôt ses regards de ce côté, et aperçut dans l’ombre épaisse qui emplissait le fond de la loge deux points ronds et lumineux comme les yeux d’un chat sauvage. Il s’avança résolument ; une main saisit la sienne et l’attira vers un banc de bois.

Dans cette position, Jude se trouva assis, tournant le flanc au vif rayon de jour qui pénétrait par l’ouverture. Sa vue, qui s’accoutumait graduellement aux ténèbres, lui permit de distinguer la forme de la cabane et son ameublement.