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— Monsieur, dit-il, mon devoir est lourd et mon esprit borné. Je compte sur l’aide que vous m’avez promise. — Et tu as raison, mon garçon ; tout ce que je pourrai faire, je le ferai. Voyons, explique-moi un peu ce que tu attends de moi ? — D’abord, répondit Jude, bien que vingt ans se soient écoulés depuis que j’ai mis le pied pour la dernière fois au château de la Tremlays, il pourrait s’y trouver quelqu’un pour me reconnaître, et j’ai intérêt à me cacher. Je voudrais donc n’y point entrer avant la nuit venue. — Soit. Le temps est beau ; nous attendrons dans la forêt… mais l’expédient ne me semble point efficace, par la raison qu’il y a des résines et de la bougie au château de M. de Vaunoy. — C’est vrai, murmura dolemment le pauvre Jude ; je n’avais point songea cela.

Le capitaine reprit en souriant :

— Il y a moyen d’arranger la chose, mon garçon. Nous arriverons enveloppés dans nos manteaux de voyage, et je trouverai bien quelque prétexte pour te protéger contre les regards indiscrets… — Après, répéta Jude fort embarrassé, après je tâcherai de savoir… de manière ou d’autre… ce qu’est devenu le petit monsieur.

— C’est cela, nous tâcherons.

La nuit vint : nos deux voyageurs furent introduits au château, comme nous l’avons vu, et Simonnet, le maître du pressoir, se chargea de les annoncer.

M. Hervé de Vaunoy et sa fille Alix étaient au salon, en compagnie de mademoiselle Olive de Vaunoy, sœur cadette d’Hervé, et de M. Béchameil, marquis de Nointel, intendant royal de l’impôt.

Le capitaine était attendu depuis quelques jours déjà, bien qu’on ignorât le nom du nouveau titulaire. Dès que maître Simonnet eut prononcé le mot : Capitaine, tous ces personnages se levèrent et dardèrent leurs regards vers la porte avec une curiosité plus ou moins prononcée.

Le capitaine entra suivi de Jude, qui se tint à la porte, le nez dans le manteau. Didier s’avança le feutre sous le bras, la mine haute, et se portant comme il convenait à un homme rompu aux galantes façons de la cour.

Son aspect parut étonner grandement tout le monde, ce qu’il dut déchiffrer en caractères lisibles, quoique différents, sur les quatre physionomies présentes.

Mademoiselle Olive se pinça les lèvres en jouant fébrilement de l’éventail.

Alix pâlit et s’appuya au bras de son fauteuil.

M. de Vaunoy laissa percer un tic nerveux sous son patelin sourire.

Enfin M. Béchameil, marquis de Nointel, exécuta la plus déplorable grimace qui se puisse voir sur visage de financier désagréablement surpris.

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