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Son masque le gênait pour voir ; il l’arracha et découvrit un visage tout noirci de charbon et de fumée, — le visage de Pelo Rouan, le charbonnier.

Jude travaillait toujours et ne se doutait point qu’un regard curieux suivait chacun de ses mouvements.

Au bout de quelques minutes, la pioche rebondit sur un corps dur et sonore. Jude se hâta de déblayer le trou et retira bientôt le coffret de fer que Nicolas Treml avait enfoui autrefois en cet endroit. Après l’avoir examiné un instant avec inquiétude pour voir s’il n’avait point été visité en son absence, Jude sortit une clef de la poche de son pourpoint. À ce moment, Pelo Rouan se prit à ramper et rentra sans bruit dans sa cachette.

Ce fut pour lui un coup de fortune, car Jude, sur le point d’ouvrir le coffret, se ravisa et fit le tour du chêne, jetant à la ronde son anxieux regard. Il ne vit personne, regagna le creux de l’arbre et fit jouer la serrure du coffret de fer.

Tout y était intact comme au jour du dépôt ; or et parchemin. Le bon Jude ne put retenir une exclamation de joie, en songeant que, avec cela, Georges Treml, fût-il réduit à mendier sa vie, n’aurait qu’un mot à dire pour recouvrer son héritage entier, Mais une expression de tristesse remplaça bientôt son joyeux sourire : où était Georges Treml ?

Jude aurait voulu déjà être au château pour s’informer du sort de l’enfant. Il replaça le coffret dans le trou, qu’il combla de nouveau en ayant soin d’effacer de son mieux les traces de la fouille, puis il gravit la rampe du ravin.

Pelo Rouan le suivit de l’œil tandis qu’il s’éloignait.

— C’est bien Jude ! murmura-t-il, Jude, l’écuyer de Treml ! il n’emporte pas le coffret : je verrai cette nuit ce qu’il peut contenir… En attendant, il ne faut point que nos gens soupçonnent ce mystère, car ils pourraient me prévenir.

Jude avait disparu. Les deux hommes aux masques fauves quittèrent le fourré et s’élancèrent vers le chêne. Ils remuèrent les outils, visitèrent chaque repli de l’écorce, et ne trouvèrent rien. Ces deux hommes étaient des Loups.

— Maître, dirent-ils en soulevant leur bonnet, qu’avez-vous vu ?

Pelo Rouan haussa les épaules.

— C’est grand dommage que vous n’habitiez point la bonne ville de Vitré, dit-il. Vous êtes curieux comme des vieilles femmes, et vous feriez d’excellents bourgeois… J’ai vu un rustre déterrer deux douzaines de pièces de six livres qu’il avait enfouies en ce lieu.

Les deux Loups se regardèrent.

— Cela fait six louis d’or, grommela l’un d’eux, — et il y en a peut-être d’autres.

— Cherchez, dit Pelo Rouan avec une indifférence affectée. Moi je vais veiller à votre place.

Les deux Loups hésitèrent un instant, mais ce ne fut pas long. Ils touchèrent de nouveau leurs bonnets et regagnèrent leurs postes.

Pelo Rouan remit son masque blanc.

— C’est bien, dit-il ; mais souvenez-vous de ceci : Quand je suis là, mes yeux veillent avec les vôtres, je puis pardonner un instant de négligence. Quand je m’éloigne, la négligence devient trahison, et vous savez comment je punis les