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une fronde par-dessus les arbres. La bourse, adroitement dirigée, alla tomber juste au seuil de la loge.

— Et maintenant à l’ouvrage, dit le vieux gentilhomme.

Avec l’aide de Jude, il porta le coffret de fer dans le creux du chêne. Ce lieu servait de magasin à Jean Blanc et contenait ses outils en même temps que plusieurs fagots de branches de châtaignier. Jude prit un pic et commença à creuser. Après une heure d’un travail qui fut rude à cause de la nature du sol, tout veiné de racines, le coffret fut enfoui et recouvert de terre. Jude rétablit si adroitement les choses dans leur état primitif, qu’il eut fallu trahison préalable pour soupçonner que la terre eût été remuée.

Le soleil montait et jetait déjà ses rayons par-dessus les cimes des arbres.

— En route ! dit Nicolas Treml. Le chemin est long et j’ai grande hâte d’en finir.

Le maître et le serviteur remontèrent la rampe à pas précipités.

Ce fut à ce moment que Jean sortit de la loge et les aperçut. Doué comme il l’était d’une agilité merveilleuse, il bondit le long de la descente et atteignit bientôt l’endroit du fourre où M. de la Tremlays avait disparu. Mais il tatonna dans le taillis, et lorsqu’il arriva dans la route frayée, il entendit au loin le galop de deux chevaux. Il s’élança de nouveau. Les chevaux allaient comme le vent ; quoi qu’il pût faire, il ne gagnait point de terrain. Alors, par une inspiration soudaine, il gravit un chêne avec la prestesse d’un écureuil et gagna le sommet en quelques secondes. Il vit deux chevaux qui couraient dans la direction de Fougères.

— Nicolas Treml ! cria-t-il d’une voix désespérée.

Le vieux gentilhomme se retourna et continua sa course.

Jean Blanc se fit un porte-voix de ses deux mains et entonna le chant d’Arthur de Bretagne.

Un instant il put croire que ce naïf expédient produirait l’effet qu’il en attendait. Nicolas Treml s’arrêta indécis, mais bientôt, passant la main sur son front comme pour chasser d’importunes pensées, il enfonça ses éperons dans le ventre de son cheval.

Jean Blanc descendit et regagna silencieusement la Fosse-aux-Loups. Auprès du seuil de la loge, il vit briller un objet entre les décombres, aux rayons du soleil. C’était la bourse du vieux seigneur. Une larme vint dans les yeux de Jean Blanc.

— Dieu le conduise ! murmura-t-il. Il est bon, il croit bien faire.

Il s’assit sur le seuil et demeura pensif.

— Pauvre petit M. Georges ! dit-il après un long silence : seul, aux mains de cet homme !… Mais le lapin peut mordre comme le loup pour défendre ou venger ceux qu’il aime, ajouta-t-il après une pause… je tâcherai !

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