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IV

LA FOSSE-AUX-LOUPS.

À une demi-heure de chemin de la lisière orientale de la forêt de Rennes, loin de tout village et au centre des plus épais fourrés, se trouve un ravin profond dont la pente roide et rocheuse est plantée d’arbres qui s’étagent, mêlés çà et là d’épais buissons de houx et de touffes d’ajoncs qui atteignent une hauteur extraordinaire. Un mince filet d’eau coule durant la saison pluvieuse au fond du ravin ; l’été, toute trace d’humidité disparaît, et le lit du ruisseau est marqué seulement par la ligne verte que trace l’herbe croissant au milieu de la mousse jaunâtre et desséchée.

Ce ravin court du nord au sud. L’un de ses bords, celui qui regarde l’orient, est occupé par une futaie de chênes ; l’autre s’élève presque à pic, boisé vers sa base, puis ras et nu comme une lande, jusqu’à une hauteur considérable. La tête chauve du roc y perce à chaque pas entre les touffes de bruyères. De larges crevasses s’ouvrent çà et là, bordées de cyprès nains et d’ifs au noir feuillage.

En 1700, l’aspect de ce paysage était plus sombre encore, s’il est possible. Au sommet de la rampe que nous venons de décrire deux tours de maçonnerie, qui avaient dû servir autrefois de moulins à vent, élevaient leurs murailles lézardées qui menaçaient ruine complète depuis un temps immémorial. Tout à l’entour, l’herbe disparaissait sous les décombres.

À quelques pas, sur la droite, le sol se montrait tourmenté et gardait des traces d’antiques travaux. Çà et là on découvrait des tranchées profondes, dont les lèvres, arrondies par le temps, avaient dû être coupées à pic autrefois, et correspondre à quelque puits de carrière ou de mine. De l’autre côté de la montée, des pans de murailles annonçaient que des constructions considérables avaient existé en ce lieu.

Mais tous ces restes d’anciens édifices étaient de beaucoup antérieurs aux moulins à vent, qui pourtant eux aussi s’affaissaient de vieillesse. Pour remonter à leur origine et se rendre raison de leur destination évidemment industrielle, il eût fallu traverser le moyen âge entier, se guider jusqu’aux temps plus civilisés de la domination romaine. Or, nous pouvons affirmer que, dans la forêt de Rennes, au commencement du dix-huitième siècle, le nombre des savants archéologues ou antiquaires était extraordinairement limité.

Précisément en face et au-dessous des moulins à vent en ruines, le ravin se rétrécissait tout à coup, de telle façon que les grands arbres, penchés sur les