Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joyeux, il restait froid et triste, répondant par le silence aux caresses passionnées de sa mère heureuse.

La vieille femme, assise sur le pied du grabat, reprenait haleine et se souvenait des récents événements, comme d’un rêve lointain. Instinctivement, elle murmurait une prière d’action de grâce ; mais son intelligence, trop violemment frappée, ne retrouvait pas son assiette.

Victoire couvrait de baisers le front de Jean ; elle pressait les mains de Jean contre son cœur et lui disait :

— Mon enfant ! mon cher enfant ! que Dieu est bon de t’avoir choisi pour nous sauver !

Dans ce premier moment, elle ne songeait point à demander compte au jeune homme de cet argent trouvé si à propos. Quand elle y songea enfin, une demi-heure environ s’était écoulée.

Elle parla. Jean se leva, au lieu de répondre, et la serra entre ses bras. Puis, il s’agenouilla auprès de l’aïeule et lui mit un baiser sur la main.

Puis encore Victoire effrayée, prise d’un soupçon accablant, le vit ouvrir la porte et disparaître sans prononcer une parole…

Il lui restait une demi-heure. Au lieu de prendre l’allée qui conduisait au dehors, il monta rapidement l’escalier de Hans Dorn.

Gertraud était seule à la maison, depuis que son père était sorti en compagnie de M. le baron de Rodach. Elle avait quitté le voisinage de la fenêtre où longtemps elle était restée en sentinelle, guettant le passage de Jean Regnault. Elle n’avait vu ni le départ navrant ni le joyeux retour de la famille.

Elle s’asseyait contre son petit lit blanc, les mains croisées sur ses deux genoux, l’œil triste et la tête inclinée.

Pauvre Jean ! peut-être lui était-il arrivé malheur ! La veille il avait voulu s’expliquer ; c’était elle, Gertraud, qui avait repoussé impitoyablement ses confidences !

Mon Dieu ! que n’eût-elle point donné ce matin pour savoir…

Car elle avait grand’peur ; Jean avait promis de revenir et il ne revenait pas ! Jean avait la tête faible ; le désespoir conseille mal…

Elle se repentait. Bien des fois, depuis son réveil, ses beaux yeux, habitués au sourire, s’étaient mouillés de larmes. Elle eût voulu regagner