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nouillaient et rendaient hommage. Quand le dernier vassal se fut relevé, on vit sortir de l’oratoire Albert et Goëtz, vêtus de leurs manteaux rouges. Ils se rangèrent auprès d’Otto, et tous trois, l’épée nue à la main, mirent un genou en terre. Aux extrémités de la salle, on n’entendait pas ce qu’ils disaient, mais on vit le jeune comte Gunther de Bluthaupt les relever tous les trois et se jeter dans leurs bras tour à tour.

— Ma parole, dit Mirelune, c’est presque touchant !…

— Penh ! fit le vaudevilliste ; un enfant perdu qu’on retrouve !… ça court les rues !

— On parle d’un million de rentes ! chuchotait madame la marquise de Beautravers.

Madame la duchesse de Tartarie s’essuyait les yeux en pensant au roi de Rome… Madame d’Audemer, cependant, avec son fils et sa fille, s’était approchée de Franz. Julien serra la main de son ancien ami d’un air embarrassé.

— Comte, dit madame d’Audemer avec la grâce noble qu’elle avait quand elle voulait, je n’ai point oublié que je suis Bluthaupt… vous êtes le chef de la famille : c’est à vous qu’il appartient de marier mademoiselle d’Audemer.

Franz et Denise souriaient, le rouge au front et la joie dans le cœur. À l’autre bout de la chambre, le bon marchand d’habits Hans Dorn joignait les mains de Gertraud et de Jean Regnault. Nono la petite Galifarde faisait partie de ce groupe, où elle avait un père et une sœur.

Il y avait déjà longtemps que l’illumination s’était éteinte, peu à peu, dans la campagne endormie. Aucune lumière ne brûlait plus aux fenêtres du château de Bluthaupt. Le crépuscule du matin qui allait poindre, mettait des couches moins sombres à l’horizon, du côté de l’orient. Derrière le château, à la place où s’était tiré le feu d’artifice, quelques jours auparavant, un bruit se fit parmi le silence profond qui régnait aux alentours. Il y avait une oreille ouverte pour entendre ce bruit. On voyait une forme blanche, à la fenêtre de Lia de Geldberg. Presque immédiatement au-dessous de cette fenêtre, trois hommes apparurent successivement sur la petite plate-forme, où nous avons vu naguère les bâtards de Bluthaupt former une sorte d’échelle humaine, pour détourner un mor-