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l’une contre l’autre… Ces trois personnages n’étaient pas venus là de leur propre mouvement, et les messagers qui les étaient allés chercher se tenaient debout encore auprès de chacun d’eux. C’étaient nos Allemands du Temple. Le silence et l’immobilité régnaient dans la chambre. Otto demeurait les bras croisés sur la poitrine, en face du Madgyar vaincu. Quand il prit la parole, chacun écouta en frémissant, tant on sentait qu’il était le maître.

— Il n’y a pas assez de monde encore ici, dit-il ; qu’on fasse venir madame la vicomtesse d’Audemer, son fils et sa fille.

Un Allemand sortit.

— Qu’on fasse venir, reprit le baron de Rodach, ces pauvres gens du Temple, madame Regnault et ses enfants… ils doivent être au château… Hans les a prévenus.

Un autre messager s’éloigna.

— Qu’on se rende, reprit encore Otto, dans l’appartement de madame de Laurens ; il y a là une enfant qui passe pour la fille de la servante et dont la place est marquée parmi nous.

Sara ne pouvait plus pâlir.

Au moment où le troisième Allemand allait franchir le seuil, Rodach le rappela du geste et lui dit quelques paroles à voix basse ; Sara crut entendre le nom de son mari. Quelques minutes après, tous ceux qu’on avait mandés arrivèrent successivement. Chaque fois que la porte s’ouvrait, on entendait un cri de surprise et de terreur, puis le silence régnait de nouveau dans la chambre, parce que ceux qui venaient d’entrer restaient, comme les autres, spectateurs de cette scène sanglante, saisis par la stupeur et muets.

On vit arriver la famille d’Audemer, les Regnault suivis par la fille de Hans Dorn, et la petite Galifarde que conduisait le paysan Gottlieb. Tout le monde se rangea, immobile, le plus loin possible des cadavres. Il n’y eut que la mère Regnault qui vint s’agenouiller auprès de son fils, en pleurant. Elle mit la main sur le cœur du chevalier, qui ne battait plus. Sa poitrine affaiblie rendit une plainte. Elle baisa le front du mort avec une tendresse passionnée, et resta sans mouvement au milieu de la chambre. Les autres attendaient, sous le poids d’une horreur commune ; per-