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— On la rattrapera ! cria Pitois.

— On ne la rattrapera pas ! riposta la grande duchesse.

Et la cohue donnant à pleine tête dans ce jeu bien connu, de répéter avec enthousiasme :

— On la rattrapera !

— On ne la rattrapera pas !

Le pauvre idiot pleurait ; mais il riait à entendre ces clameurs joyeuses, auxquelles se mêlait malgré lui sa voix égarée.

Et il grommelait entre ses dents :

— J’irai ce soir… le trou est presque fait… je prendrai les jaunets, j’achèterai de l’eau-de-vie et des bouteilles pour mettre l’eau-de-vie… et une grande cave pour mettre les bouteilles… et s’il reste des jaunets, je les donnerai à maman Regnault pour qu’elle sorte de prison…

Il poussa un cri de joie et fit la cabriole.

— Bravo, Geignolet ! dit la foule.

Et comme la vieille femme, ressaisie, se débattait en pleurant devant le marchepied du fiacre, le chœur reprit en mesure.

— Elle montera !

— Elle ne montera pas !…

Ce fut à ce moment que Jean, baigné de sueur et les habits en désordre, perça les derniers rangs des curieux.

— Mon fils !… mon fils !… criait la vieille femme épuisée.

Ce cri suprême s’adressait non pas à Jean, mais à cet autre enfant, toujours cher, hélas ! dont la dureté impie assassinait sa vieillesse, à Jacques Regnault, le parricide, à M. le chevalier de Reinhold !

Jean arriva au centre du cercle de toute la vigueur de son élan, repoussa les recors à trois pas, et se mit, le front haut, les narines gonflées, au-devant de son aïeule.

La joie de la cohue était au comble.

— Ça va chauffer, dit Pitois ; tape, mon petit, ou tu n’es pas un homme !

— Vas-y, Jean !

— Jean, attige-les (arrange-les).

— Lâche le coup de tampon, ma chatte !…