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mélèze ?… Dieu semble l’avoir frappé comme il m’a maudit !… Ses branches tombent une à une, parce qu’il fut le témoin du crime… J’étais là, derrière, et je tremblais. Le cheval de Raymond d’Audemer s’était arrêté à l’endroit où nous sommes…

La vicomtesse se recula, saisie d’horreur.

— Celui qu’on appelle maintenant le chevalier de Reinhold, poursuivit Fritz venait derrière le vicomte…

— C’est donc bien vrai ? interrompit madame d’Audemer.

Fritz avala une gorgée d’eau-de-vie.

— Il s’appelait alors Jacques Regnault, reprit Fritz ; il poussa le cheval, le cheval sauta ; j’entendis ce cri qui a fait de moi un damné !… Mais je ne veux pas tuer l’enfant, parce qu’il ressemble aux vieux portraits des comtes…

La vicomtesse s’était mise à genoux au bord de la Hœlle ; elle priait. Quand elle eut achevé sa prière, elle voulut interroger encore. Fritz dormait, couché tout de son long dans l’herbe froide. La vicomtesse, pâle comme une statue, se remit en selle, et descendit la montagne.

Hans Dorn veillait à son poste. Il entendit, du côté de la traverse, une voix essoufflée qui l’appelait par son nom. Il s’avança jusque sur la lisière, et presque aussitôt, il vit son jeune voisin de la place de la Rotonde, Jean Regnault, qui tournait le coude de la traverse en courant de toute sa force.

Jean n’avait plus de chapeau ; l’illumination éclairait son visage en désordre, que sillonnaient de grosses gouttes de sueur.

— Hans Dorn !… monsieur Dorn ! cria-t-il avec épuisement, où êtes-vous ?

Hans se montra ; Jean vint s’appuyer haletant au tronc d’un arbre.

— Venez vite ! reprit-il. Oh ! venez vite !… Johann va le tuer !…

— Qui ?… demanda le marchand d’habits en frissonnant.

— M. Franz !… Oh ! venez vite !…

Hans Dorn s’élança d’instinct ; mais, après quelques pas, il s’arrêta et regarda autour de lui avec détresse.

— On m’a dit de rester ici, murmura-t-il ; si c’était un nouveau piège !…