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grandes masses éclairées saillaient dans la nuit noire ; les statues des saints, blanches et hautes, se dressaient dans leurs niches sombres ! les piliers s’élançaient, sveltes faisceaux de colonnettes, et n’avaient plus à leur sommet d’autre voûte que le ciel. Le sol pavé des carrés noirs et blancs, montrait çà et là ses larges pierres tumulaires, qui recouvraient la dépouille mortelle des anciens châtelains de Bluthaupt.

Au moment où Lia mettait le pied dans la chapelle, une porte située derrière le chœur tournait sur ses gonds en grinçant. Lia tremblait, mais une main mystérieuse la poussait en avant. Elle baissa les yeux pour ne point voir ces hommes de pierre que la lune allumait le long des murailles, et continua sa route, guidée par le bruit de la porte. Après quelques efforts, elle parvint à l’ouvrir, et se trouva en face d’une sorte d’échelle, taillée dans le roc humide. Elle descendit. Elle était dans le caveau mortuaire des comtes. Le premier objet qui frappa ses regards fut une tombe large, supportant trois statues de chevaliers couchées côte à côte. Sur cette tombe, une lampe brûlait, qui éclairait vaguement les sculptures des autres monuments funèbres. Auprès du tombeau des trois chevaliers, un homme était debout, le dos tourné à la lumière. C’était bien celui que la jeune fille avait vu passer dans le corridor ; c’était pour lui qu’elle avait suivi dans les ténèbres ce chemin redoutable, mais elle hésitait à s’avancer maintenant, parce qu’elle ne découvrait plus son visage. Peut-être s’était-elle trompée… Elle restait partagée entre son désir qui l’entraînait en avant et sa frayeur qui lui disait de fuir. L’homme s’essuya le front ; il semblait rendu de fatigue et sa haute taille s’affaissait, lassée, sous les plis amples de son manteau écarlate. Il s’assit sur le bord de la tombe des trois chevaliers. Ce mouvement mit ses traits en face des rayons de la lampe ; un cri s’étouffa dans la poitrine de Lia.

Cette fois, il n’y avait pas à s’y tromper ; c’était bien le noble visage d’Otto.

Le cœur de la jeune fille s’inonda de joie ; ses craintes étaient oubliées ; avait-elle pu désespérer ?… Elle s’élança… Mais à peine avait-elle fait quelques pas qu’elle s’arrêta, frappée de stupeur. Elle passa le revers de sa main sur ses yeux, qui battaient éblouis. Un autre homme venait de sortir de l’ombre, une figure exactement pareille à celle d’Otto. Était-ce