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— Qu’entendez-vous par là ?

— J’entends que ces trois hommes n’étaient pas les seuls intrus qui fussent dans la salle… N’avez-vous pas remarqué cette manière de cohorte qui les suivait partout et semblait les défendre ?…

— Je parierais, dit Reinhold, que ce sont nos coquins d’Allemands du Temple !

— On pourra être plus sévère à la sortie qu’à l’entrée, reprit le docteur Mira, et placer une bonne garde à la grille.

— Je mettrai là Johann, ajouta Reinhold ; il me rendra bon compte de ces figures suspectes.

— Il est bien entendu qu’on sera là en force, et qu’il sera fait main basse sur tous ceux qui se sont indûment introduits…

— Comme cela nous aurons raison de nos trois Hommes Rouges !

Ils étaient à peu près au centre de la salle.

Non loin d’eux, madame la vicomtesse d’Audemer s’asseyait sur un fauteuil entre sa fille et son fils. Franz tournait autour de Denise ; Esther causait avec Julien, qui restait pensif et sombre depuis son entretien avec l’inconnu. Il répétait machinalement au dedans de lui-même ce nom de Goëtz que l’Homme Rouge avait prononcé. Il avait envie de demander une explication à Esther ; mais il n’osait pas, parce que son esprit faible préférait le doute à la certitude. Les associés poursuivaient leur intime conciliabule. Ils en étaient à se demander quels étaient les acteurs de ce drame bizarre, et le nom du baron de Rodach venait répondre naturellement à cette question. Le bal n’avait point ralenti sa joie bruyante. Quelques jeunes gens qui voulaient faire de l’effet, parmi lesquels il faut citer en première ligne M. Abel de Geldberg, avaient changé déjà deux ou trois fois de costume. L’assemblée était de plus en plus brillante, et il était vraiment difficile de voir un plus magnifique coup d’œil. Mais, malgré tous leurs efforts, les jeunes gens qui avaient voulu faire de l’effet, et M. Abel de Geldberg lui-même, étaient radicalement éclipsés par certain seigneur de la cour d’Élisabeth, dont le costume splendide avait quelque chose de royal. Les aiguillettes de son pourpoint de satin blanc étaient retenues à l’aide de larges boutons de diamants. Le cordon de la Toison-d’or étincelant de pierreries, descendait sur sa poitrine. L’ordre de la