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respira comme s’il eût évité un danger au-dessus de ses forces ; il était enfin hors de ces effrayantes ténèbres où sa fièvre mettait tant de visions. La lampe brûlait à quelques pas de lui ; sa raison revenait ; il se retrouvait lui-même. Des pas se faisaient entendre à l’extrémité opposée de la galerie et dans la direction de la salle du bal. Le Madgyar continua de s’avancer et fut bientôt en face du bon Van-Praët, de Reinhold et de Mira, que suivaient des domestiques armés.

— Vous ne l’avez pas rejoint ? demanda vivement Reinhold.

Van-Praët éleva une lanterne qu’il tenait à la main jusqu’à la hauteur du visage de Yanos.

— Comme vous êtes pâle ! dit-il, mon vaillant ami… Voici la première fois que je vous vois trembler…

D’instinct, l’orgueil du Madgyar se révolta ; il voulut se redresser, mais sa tête s’inclina de nouveau, lourde, sur sa poitrine.

— Je pense qu’il ne vous a pas mieux traités que moi, mes bons camarades, reprit Van-Praët en baissant la voix pour n’être pas entendu des domestiques ; il m’a parlé de mes cornues et de mon creuset, le diable d’homme ! il sait tout !

— Tout ! répéta le docteur d’un air accablé.

— Mais où est-il ? demanda Reinhold, nous sommes en nombre et peut-être…

— Venez, interrompit le Madgyar.

L’image d’Éva, son unique amour en ce monde, venait de traverser son esprit, et le courroux lui rendait sa vaillance. Il se mit à marcher résolument vers la partie du corridor où il s’était arrêté naguère, anéanti par l’épouvante… La lanterne de Van-Praët éclaira bientôt, à l’endroit même où l’ermite avait disparu, un couloir étroit et sombre, où se montraient les basses marches d’un escalier tournant. La terre ne s’était pas ouverte sur les pas de l’ermite.

— C’est là ! dit le Madgyar, qui éprouvait comme un ressentiment de ses superstitieuses frayeurs.

Mira, Reinhold et Van-Praët se regardèrent ; l’escalier tournant conduisait au sommet de la Tour-du-Guet.

— Peste ! fit le Hollandais ; c’est un pauvre domicile pour le noble