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— Si je l’aime ! répliqua Petite, qui joignit ses mains en levant les yeux au ciel, tenez, je veux vous dire tout de suite ce qui m’amène… C’est une folie, peut-être, mais je ne vis pas depuis que cette idée m’est venue. Quand ces crises affreuses le prennent et qu’il reste des heures entières anéanti, s’il ne trouvait personne à son réveil pour aider le premier effort de la vie qui revient…

— C’est impossible ! interrompit le docteur.

— Oh ! laissez-moi achever… Je suis si malheureuse quand ces idées-là me poursuivent !… s’il appelait en vain quelque jour !… si personne n’entendait ses cris faibles !…

— C’est impossible, madame, répéta le docteur, vous vous faites des terreurs imaginaires… Germain, le valet de chambre de M. de Laurens, est un serviteur fidèle… il comprend la responsabilité qui pèse sur lui.

Petite ne put réprimer un geste d’impatience.

— Mais enfin ?… dit-elle en insistant.

— Madame, vous me mettez dans un grand embarras, répliqua le docteur avec une hésitation manifeste ; je n’ai, pour ma part, aucune espèce d’inquiétude, je vous en donne ma parole d’honneur… et pourtant, ma réponse va nécessairement augmenter vos craintes…

— Il y a donc du danger ? prononça tout bas Petite en feignant la plus extrême épouvante.

— Il n’y a pas de danger, puisque le fait est impossible, dit le docteur avec conviction ; mais, ajouta-t-il d’une voix moins assurée, si le fait était possible…

Il avait peur d’achever.

— Eh bien ? dit Sara.

— Eh bien ! il y aurait danger !…

— Un danger grave ?…

— Un danger de mort soudaine !

Madame de Laurens respira fortement ; ce pouvait être un soupir d’effroi…