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— Voyons, docteur, reprit Sara dont la voix eut un imperceptible tremblement ; vous pouvez être franc avec moi… on ne dit pas tout à la pauvre femme, assise au chevet de son enfant malade… mais moi…

Elle s’arrêta et reprit avec un effort violent qui ne parut point au dehors :

— Moi, voyez-vous, je ne suis pas sa mère… il faut ne me rien cacher.

— Pourquoi vous cacherais-je quelque chose ? demanda Saulnier, qui ne conçut pas l’ombre d’un soupçon.

— Sans doute… répliqua Petite, en jouant l’indifférence. Cela ne me regarde pas… Et ce que j’en fais, c’est pour cette malheureuse femme.

— Vous avez, Madame, un cœur si excellent !…

— Que dites-vous de l’état de cette petite fille ?

Saulnier secoua la tête ; Sara était prête à défaillir. La réponse attendue était, pour elle, la vie ou la mort.

— Je vais vous causer du chagrin, madame, répliqua le médecin, puisque vous portez de l’intérêt à la mère… cette pauvre enfant se meurt d’une maladie de poitrine.

La pâle figure de Sara n’exprima rien du désespoir profond qui lui étreignait l’âme.

Son regard resta froid ; pas un des muscles de sa face ne bougea.

— Mais, dit-elle avec lenteur et d’une voix glacée, il y a bien encore quelque espoir de la sauver, n’est-ce pas ?

— Non, répondit le docteur.

La tête de Sara se pencha sur sa poitrine.

Le docteur, qui la regardait, se disait :

— Comme elle est compatissante et bonne !…

Sara resta, durant une minute, écrasée sons son angoisse muette. Puis la force extraordinaire qui était en elle reprit le dessus.

— Pourquoi songer au malheur d’autrui, dit-elle, quand on est soi-même si à plaindre ?… Docteur, j’ai l’âme tourmentée de scrupules… Quand je me vois ainsi parée pour le bal, il me vient des remords… Pendant ces heures de plaisirs, mon pauvre Léon souffre…

— Toujours cette pensée ! murmura le médecin, oh ! vous l’aimez bien, madame !