fallait être une bête féroce pour accabler ainsi cette frêle créature ! Cette nuit, il n’y a rien à faire… je reviendrai demain matin.
Le docteur se dirigea vers la porte par où il était entré.
— Et pensez-vous qu’il y ait du danger ? demanda la marchande en le reconduisant.
— Elle est bien faible ! répondit Saulnier ; mais à cet âge… Demain nous pourrons mieux juger.
Il s’esquiva pour éviter de nouvelles questions.
Sara s’élança dans la chambre.
— Qu’a-t-il dit ? s’écria-t-elle ; rappelez-vous bien chacune de ses paroles, Joséphine, et dites-moi tout !
— Mon Dieu ! répliqua Batailleur, c’est drôle, les médecins, vous savez, chère madame ; celui-ci n’a pas dit grand’chose…
— Mais enfin ?…
— Il a dit ceci, puis ça… des bêtises !
— Ah ! fit Petite, vous me mettez à la torture !
— Eh bien ! que voulez-vous ?… il a dit que c’était un malaise… une petite fièvre de croissance…
— Vraiment ?
— Tiens !… il a dit que la petite n’était pas forte… nous savions ça aussi bien que lui… mais quant à concevoir des inquiétudes, il n’y a pas de quoi.
— Il a dit cela ?
— Tout au juste.
Madame de Laurens respira longuement. Ses yeux étaient fixés sur sa fille ; elle ne voyait point que le visage de Batailleur, d’ordinaire hardi jusqu’à l’effronterie, exprimait de l’hésitation et de la contrainte.
Elle ne voyait que sa Judith.
— Mon Dieu ! dit-elle en rappelant son sourire, si vous saviez, ma bonne, quelles idées folles emplissaient mon cerveau, là-bas derrière cette porte !… Il me semblait entendre la voix du docteur prononcer toutes sortes de menaçantes paroles… Ces quelques minutes m’ont paru longues comme un siècle !
Elle s’interrompit brusquement et regarda Batailleur en face.