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Elle sommeillait, la tête appuyée sur son bras grêle. Ses traits étaient bien pâles, à l’exception de deux taches d’un rouge vif qui enluminaient les pommettes de ses joues.

Sa boucne s’entr’ouvrait pour donner passage à son souffle, régulier, mais pénible ; peut-être était-ce l’effet d’un rêve : elle semblait souffrir…

Mais elle était charmante, sur ce lit blanc, et ses grands cheveux, épars sur l’oreiller de mousseline, faisaient un cadre gracieux à la beauté de son visage.

Ses traits avaient une délicatesse exquise et rappelaient vaguement ceux de Sara ; on avait peine à penser que naguère un dénûment horrible pesait sur cette jolie et frêle créature.

Sara la contemplait avec des yeux ravis ; elle joignait les mains, comme si sa bouche distraite eût rencontré malgré elle des paroles de prière.

— La cacher toujours !… toujours ! murmura-t-elle ; il y a donc des supplices qui n’ont pas de fin.

Batailleur l’avait suivie, en étouffant le bruit de ses pas, pour ne point éveiller l’enfant.

— Je ne sais, reprit Sara dont la figure s’attrista subitement ; elle a l’air plus malade ce soir… Le docteur Saulnier est-il venu ?

— Je l’attends, répondit Batailleur ; mais bah !… à cet âge-là, il y a toujours de la ressource !… Et quand la petite saura qu’elle est la fille d’une noble dame, ça la repiquera drôlement et tout de suite !

— Quand le saura-t-elle ?… murmura madame de Laurens, qui baissa la tête.

— Dame !… répliqua Batailleur, le cher homme finira peut-être par s’en aller, quand le diable y serait !

Sara croisa ses bras sur sa poitrine en un mouvement brusque ; on voyait son sein battre par soubresauts faibles et contenus sous la brillante étoffe de son costume.

— Il y a une malédiction sur moi ! dit-elle à voix basse, rien ne me réussit !… Autour de moi, les menaces s’accumulent… et quelque main mystérieuse semble s’opposer partout à l’accomplissement de mes vœux. Si l’on pouvait croire en Dieu !…