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Tandis qu’elle éprouvait les clefs l’une après l’autre, on entendit, mais distinctement cette fois, un bruit de verre brisé.

Nina venait d’introduire dans la serrure une clef qui faisait jouer le pêne, rien ne retenait plus la porte. La jeune fille poussa résolument le battant, qui demeura immobile.

— Le diable est derrière !… murmura une voix dans l’escalier.

— Aidez-moi, dit Nina à ses compagnes ; il n’y a qu’à pousser…

Les servantes, après bien de l’hésitation, donnèrent un coup de main timide.

Mais la porte semblait plus inébranlable, ouverte que fermée.

— Il faudrait un levier pour enfoncer cela ! dit la camériste de madame de Laurens.

L’idée fut accueillie avec un véritable enthousiasme ; chacun redescendit beaucoup plus vite qu’il n’était monté ; cette retraite ressemblait à un sauve-qui-peut général.

On était descendu sous prétexte de chercher un levier ; le levier fut trouvé, mais personne ne remonta.

M. le chevalier de Reinhold, à qui le cas fut rapporté, haussa les épaules avec mépris et ordonna d’envoyer des ouvriers pour faire le siège du donjon. Il ne manqua pas, comme on peut le penser, de gourmander sévèrement la lâcheté de ses gens.

Les poltrons ne pardonnent point à la peur d’autrui.

En somme, on avait bien des choses à faire au château ce matin-là ; quand il s’agit de trouver des ouvriers, l’histoire des bruits entendus et de l’inexplicable résistance de cette porte ouverte était déjà publique.

Nina et ses compagnes affirmaient avoir senti parfaitement l’effort d’un bras robuste qui défendait la porte par derrière.

Il ne se rencontra pas un homme pour tenter de nouveau l’aventure.

On délogea Ficelle pour caser le Monsieur, et le siège du donjon fut remis au lendemain.

Une chose singulière, c’est que, vers le milieu du jour, Klaus gravit les marches de l’escalier tournant, sans que personne l’en eût prié.

Il portait à la main un panier qui semblait contenir des provisions.

Sans doute il connaissait le mot magique qui, mieux qu’une clef vul-