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parla de préparer la chambre de la Tour du Guet, il y eut une hésitation grave parmi la livrée.

D’esprits forts, on n’en trouva plus…

Personne ne se souciait de monter là-haut et d’affronter les périls inconnus de cette diabolique retraite.

Cependant il fallait agir.

Cinq ou six valets et autant de servantes armés, les uns de bâtons, les autres de couteaux de table, se formèrent en corps d’armée et tentèrent la périlleuse ascension.

À la première volée de l’escalier tournant, on souriait un peu ; à la seconde, on s’entre-regardait ; à la troisième, chacun serrait machinalement son arme et se sentait prendre d’idées très-noires.

On y voyait à peine, dans cette vis étroite, éclairée seulement par des meurtrières.

Aux dernières marches de la troisième volée, le bataillon s’arrêta comme un seul homme ; il y avait encore un étage.

On tint une sorte de conseil, et quand on se remit en marche, nous devons le dire à la honte du genre masculin, ce furent les servantes qui prirent les devants.

L’armée arriva devant une petite porte en plein cintre, dont le battant unique gardait des restes d’inscription.

La cage de l’escalier, les marches poudreuses, la porte et jusqu’aux lettres à demi effacées, tout cela vous avait vraiment un méchant air de sortilège !…

Les servantes, cependant, se rangèrent en haie, et l’un des domestiques, porteur d’un énorme trousseau de clefs, en essaya plusieurs dans la serrure ; sa main tremblait à faire compassion.

Au bruit de la première clef essayée, on entendit comme un mouvement à l’intérieur de la chambre…

Toutes les figures devinrent blêmes.

Les hommes voulaient redescendre ; mais les filles, en qui la curiosité combattait la crainte, tenaient bon encore.

Nina, la jolie camériste de madame de Laurens, arracha le trousseau de clefs des mains du valet poltron et se mit vaillamment en besogne.