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sobriquet grotesque, Geignolet, je crois, je pressai le pas, décidé à l’atteindre.

» Comme j’allais y réussir, une idée baroque traversa sa pauvre cervelle : il sauta par dessus les broussailles qui entourent la perrière et se coucha dans l’herbe glacée.

» Je n’étais plus séparé de lui que par la haie, et je pouvais voir tous ses mouvements.

» Il ne chantait plus : il avait mis dans sa bouche le goulot d’une bouteille et buvait avidement.

» Quand il eut fini de boire, il tira de dessous sa blouse un paquet de papiers qu’il éparpilla autour de lui sur l’herbe.

» J’avançai la tête entre les branches… Je vous donne en mille à deviner ce que je vis !… »

— Épargnez-nous, chevalier, dit madame de Laurens.

— J’attends !… ajouta le Madgyar dont les gros sourcils se fronçaient.

Reinhold hésita un instant entre le désir de flatter Yanos par une prompte obéissance et l’envie de filer son histoire suivant les règles du roman.

Il était sûr d’un succès et il le voulait complet.

À vrai dire, son auditoire n’était pas pourtant des plus bienveillants ; Petite, Mira et le Madgyar manifestaient sans façon leur impatience.

Il n’y avait guère que l’excellent et courtois Van-Praët qui fît preuve de longanimité.

Reinhold lui adressa un sourire de reconnaissance.

— Qu’il vous suffise de savoir en ce moment, reprit-il, que ces papiers étaient de telle sorte, que j’aurais donné cinquante mille écus à l’instant même pour les avoir.

— Diable ! fit Van-Praët.

— Quelle folie ! grommela le Portugais.

— Je passai résolument au travers de la haie, déterminé à prendre l’idiot à l’improviste.

» Ma vue ne l’effraya pas : il resta demi-couché au milieu de ses papiers épars.