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On avait bu entre ces vieilles murailles, on avait mangé de tout cœur, tandis que la comtesse Margarethe et le vieux Gunther agonisaient à l’autre bout du château.

C’était dans cette chambre que le doux Fabricius Van-Praët faisait sa demeure, depuis le commencement de la fête. — On l’avait choisie d’un commun accord, pour lieu de réunion, parce que, en l’absence de Mosès Geld, l’excellent Fabricius était maintenant le doyen d’âge des associés.

Un bon feu brûlait dans la vaste cheminée. — À l’un des coins du foyer, madame de Laurens, enveloppée dans une chaude douillette, mettait ses petits pieds sur la galerie de cuivre ciselé.

À l’autre coin, le bon Fabricius fourrait ses mains potelées dans les manches de sa robe de chambre, et digérait paisiblement son repas du matin.

En face du foyer, s’asseyaient le docteur Mira et le seigneur Yanos Georgyi.

José Mira était grave et austère comme de coutume ; mais il le cédait de beaucoup en ce moment à son voisin le Madgyar.

Le visage de celui-ci peignait une sorte d’apathie sombre ; sa joue, que le sang venait empourprer si souvent naguère, était pâle ; ses gros sourcils se fronçaient au-dessus de ses yeux éteints ; — il semblait souffrir.

Le jeune monsieur Abel de Geldberg et le chevalier de Reinhold manquaient à la réunion tous les deux ; — on attendait le chevalier, et le jeune Monsieur n’avait point été convoqué.

C’était assez l’habitude. — Depuis l’arrivée au château, la présence de Van-Praët et du Madgyar amenait souvent des discussions dans lesquelles le fils de Mosès Geld eût été de trop.

Il était bien l’un des chefs de la maison ; mais cet ostracisme ne pouvait point le blesser, parce que Victoria Queen, indisposée, réclamait ses soins affectueux.

En attendant la venue de Reinhold, on causait de choses et d’autres, et le valet Klaus desservait le déjeuner du Hollandais.

Il y avait déjà bien longtemps que Klaus était dans la maison ; c’était un homme de confiance, et l’on ne se gênait pas beaucoup devant lui.