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— Si le cœur t’en dit, mon fils, murmura-t-il enfin, avance un petit peu et regarde… mais pas d’impression ! ne montre que le bout de ton nez !…

Pour toute réponse, Jean se mit à ramper sur la plate-forme et pencha sa tête au-dessus de la saillie.

Ses yeux avides tombèrent sur le seuil de la maison de Gottlieb ; il n’y avait plus personne.

Jean se sentit un poids de glace sur le cœur. Cet enfant qui souriait là, naguère, si heureux et si beau, n’était plus maintenant qu’un cadavre broyé par le passage du roc, et qui n’avait pas même laissé de traces !

Jean s’accrochait des deux mains à la saillie de la plate-forme ; un vertige le poussait en avant.

Il avait oublié sa grande haine ; cette fièvre qui le tenait naguère avait disparu pour le laisser abattu et brisé.

— Eh bien ? demanda Johann.

— Je ne vois rien, répondit le joueur d’orgue.

— Pas un petit peu de rouge devant la maison ?

Jean frissonna et se recoucha par terre. Johann avança la tête à son tour.

— Comme ça vous a nettoyé l’endroit ! grommela-t-il. La Tête-du-Nègre aura emporté le petit bonhomme jusque dans les taillis… Eh bien ! Jean, mon fils, en voilà un qui n’embrassera plus jamais la petite Gertraud !

Jean se souleva sur le coude, tandis que le marchand de vins revenait en arrière.

— On ne voit rien, balbutia-t-il, pas une goutte de sang !… n’y a-t-il pas espoir qu’il a pu se sauver ?

Johann éclata de rire.

— Farceur de petit Jean ! s’écria-t-il, est-il gai avec ses espoirs !… Allons, allons, fiston, cette besogne-là m’a donné un appétit du diable… viens-tu déjeuner ?

— Je n’ai pas faim, murmura Jean.

Johann se leva sur ses genoux, puis sur ses pieds, et se glissa entre deux roches pour regagner le sentier à pic qui conduisait à la perrière.