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avons faite dans les environs, on m’avait mis sur un diable de cheval aussi sauvage que celui de Mazeppa… Je n’avais garde d’avouer mon ignorance en fait d’équitation, cela m’eût donné un vernis détestable… Je piquai des deux bravement, dès qu’on entra dans l’avenue, et voilà mon démon de coursier lancé comme un tourbillon ! La bride, qui ne tenait guère, se cassa dans ma main… Il fallut voir alors la course que nous fîmes à travers monts et vaux !…

» C’était vraiment un noble animal !… il redressait sa svelte encolure et ses naseaux soufflaient de grands cônes de fumée… et il allait comme le vent !

» Moi, je me cramponnais de mon mieux à sa crinière, et je me demandais dans quel trou nous allions tomber tous les deux.

» Petite sœur, ne vous effrayez pas. Après une heure de course enragée, mon démon sentit l’écurie et s’arrêta tout tranquillement à la grille de Geldberg…

» Et j’en fus quitte pour un habit de chasse très-bien fait qui avait laissé ses basques aux ronces de quelques haies, un chapeau accroché dans les taillis et une demi-douzaine d’égratignures.

» Que dites-vous de cela, père Dorn ?… »

— Je dis que votre étoile est bonne, Monsieur Franz, et que ce cheval vicieux n’aurait bien pu ramener qu’un cadavre à la grille du château de Geldberg ?

— Autre épouvantable péril ! s’écria Franz, et vraiment, si j’avais été crédule, cette équipée aurait bien pu m’effrayer !… Il y avait course en traîneaux et joute de patineurs sur l’étang de Geldberg, qu’on disait gelé à une grande profondeur… La veille, j’avais rencontré un de mes donneurs d’avis dans les ruines de cet ancien village que longe la route d’Obernburg.

» Il m’avait dit, en son style spécial : Prenez garde ! la glace est épaisse ; mais la perfidie est profonde… prenez garde de laisser votre corps au fond de l’étang de Geldberg !

» Je pris l’avertissement pour ce qu’il valait et le lendemain je choisis une excellente paire de patins.

» J’aurais voulu que vous m’eussiez vu, petite sœur Gertraud !… au-