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mon affaire était claire. Allons, père Hans, vous qui êtes un homme sage, pourquoi vous obstinez-vous à croire toujours ces billevesées ?… Les brigands d’Allemagne sont connus dans l’Europe entière comme le vin de Johannisberg… et mes prétendus persécuteurs ne peuvent absolument rien à cela.

Les sourcils de Hans se froncèrent d’abord, comme si ces paroles eussent augmenté l’impression pénible qu’il ressentait ; mais son visage se dérida bien vite, parce qu’une pensée consolante vint à la traverse de ses craintes,

— Nous sommes là maintenant !… se dit-il.

Il était debout sur le seuil de la cabane ; Franz et Gertraud se tenaient en dehors.

C’était une belle matinée d’hiver : le soleil avait dissipé la brume peu à peu, et ses rayons obliques mettaient de pâles reflets d’or aux arêtes vives des roches et à la cime dépouillée des taillis.

Le paysage confus qui disparaissait tout à l’heure sous un nuage blanchâtre se montrait maintenant plus distinct ; on voyait d’un côté la vallée demi-circulaire, ou quelques prairies d’un vert brillant coupaient la sombre uniformité du bois ; à l’endroit où la courbe de la vallée se perdait derrière le nouveau village, on apercevait une nappe blanche et unie comme une glace.

C’était l’étang de Geldberg, qui méritait presque le nom de lac.

De l’autre côté, enfin, l’œil retrouvait, au sommet de la montagne, la haute masse du manoir, dont les toitures aiguës s’éclairaient gaiement à cette heure, et empruntaient au givre matinier, frappé par les rayons du soleil, comme une parure d’étincelles rosées.

Entre la cabane et le château s’échelonnaient ces grandes roches dont nous avons parlé déjà, et qui avaient caché la maisonnette aux regards de Franz lorsqu’il avait ouï, pour la première fois, la chanson de Gertraud, au bord de la perrière.

Quatre ou cinq de ces roches se groupaient à une centaine de pieds au dessus de la cabane, et l’une d’elles, remarquable par sa grosseur et sa forme presque sphérique, semblait pendre sur la descente, toujours prête à se détacher.