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ma petite sœur Gertraud, et qui vous intéresseraient assez médiocrement, père Dorn.

» Tout à coup, dans un fourré, noir comme l’enfer, j’entendis un coup de sifflet ; ma parole, le coup de sifflet y était !

» Un superbe coup de sifflet !

» Il eût fallu être bien jeune pour ne pas savoir ce que cela voulait dire… Je m’arrêtai, moitié tremblant, moitié curieux.

» Oh ! les beaux bandits ! petite Gertraud !… Père Hans, les magnifiques brigands !

» Des masques noirs, des chapeaux à plumes, des ceintures chargées de pistolets et des bottes évasées, comme celles de l’ogre du petit Poucet !

» C’était peut-être Schinderhannes, peut-être Zaun, peut-être Schubry ! Je pensai aux théâtres du boulevard, et je m’étonnai presque de ne point entendre la ritournelle qui annonce l’entrée en scène des acteurs… »

Franz s’arrêta. Gertraud et son père attendirent durant quelques secondes, impatients et pressés de savoir.

— Eh bien ?… murmura enfin la jeune fille d’une voix étouffée par la frayeur.

— Eh ! bien, répéta Franz tristement, il y a toujours des fâcheux qui arrivent pour tout déranger !… Une demi-douzaine de bûcherons débouchèrent en hurlant une chanson germanique… mes pauvres brigands détalèrent et n’eurent pas même le temps de me demander la bourse ou la vie… J’aurais battu les bûcherons !

Hans respira longuement ; Gertraud ne put s’empêcher de sourire.

— Depuis, continua Franz avec un regret manifeste, je suis allé chercher cinq ou six fois mes bandits au même lieu, mais je n’ai jamais pu les rencontrer… Quand on perd l’occasion, c’est le diable !

Hans Dorn eut un mouvement de colère, tant cette insouciance lui sembla dépasser toute limite.

— Dieu vous a protégé malgré vous, s’écria-t-il, et il a frappé d’aveuglement ceux qui vous poursuivaient… car, en vérité, vous étiez bien facile à tuer, monsieur Franz.

— Ce sont les assassins qui manquaient, répliqua Franz ; sans cela,