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Le bruit se fit entendre durant quelques secondes à peine, puis le silence se rétablit.

En même temps, le feu d’artifice éclata de nouveau, lançant ses gerbes lumineuses tout le long des remparts. Les murmures lointains de la foule arrivèrent jusqu’à l’oreille maintenant attentive de Lia.

Ce fut tout.

Mais à dater de cette soirée, elle entendit le même bruit chaque jour et chaque nuit.

Ce n’était point à des heures régulières, comme à Paris ; et, parfois, lorsque la fatigue parvenait à fermer ses yeux, vers l’approche du matin, elle était réveillée en sursaut par ces bruits inexplicables.

De même qu’à Paris elle s’était informée auprès du jardinier de l’hôtel ; de même, à Geldberg, elle interrogea les vieux serviteurs du château.

La réponse fut la même : il n’y avait rien au dessous de sa chambre qui, formant angle saillant, reposait sur un massif de maçonnerie.

Et pourtant on ne pouvait point le nier, ce bruit était ailleurs que dans son imagination ; il revenait fréquemment et toujours le même ; parfois Lia croyait ouïr, en même temps que les pas, comme un son de voix étouffées.

Elle restait seule avec ses terreurs.

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Or voici ce que disait une des innombrables traditions, accréditées dans le pays, sur l’antique race de Bluthaupt :

Le fameux Comte Noir, Rodolphe de Bluthaupt, ce diable incarné qui mettait à mal toutes les filles de ses vassaux, avait un grand respect pour la comtesse Berthe, sa femme, qui était une sainte.

Ce respect, comme on le pense, n’empêchait point le gracieux seigneur de délaisser bel et bien sa comtesse.

Il faisait pis que pendre, et Berthe, quoique belle encore, vivait dans l’abandon le plus absolu.

Mais le Comte Noir avait du moins ceci de bon, qu’il prétendait cacher ses excès à sa femme.

Tous les soirs, à la tombée de la nuit, il faisait fermer à grand fracas