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couvert la trace funèbre ; mais, quand le château s’était paré pour la fête, la tache de sang avait reparu sous la poussière.

La petite porte de l’oratoire où la comtesse avait son prie-Dieu était condamnée ou du moins fermée en dedans, et Franz en ignorait l’usage.

Le matin quand les premiers rayons du crépuscule éclairaient peu à peu le sommeil de Franz, si quelque vieux et fidèle vassal de Bluthaupt avait pu pénétrer à l’improviste dans cette chambre, il eût été saisi d’une étrange illusion.

Ces vingt ans écoulés n’étaient-ils qu’un rêve ? Ce visage délicat et doux dont le repos souriait parmi les longues boucles d’une chevelure blonde, n’était-ce pas le visage de Margarethe ?

De Margarethe, heureuse, jeune et n’ayant pas encore appris les larmes !

Ce ne pouvait être assurément ni le chevalier de Reinhold, ni aucun de ses complices qui avait choisi, pour la donner à Franz, l’ancienne chambre de la comtesse. Ces rapprochements sont pénibles, en effet, aux âmes les plus endurcies, et l’on ne pouvait voir là qu’un hasard.

L’appartement de Lia faisait en quelque sorte pendant à cette pièce ; il était seulement plus petit et tout récemment orné à la moderne. Comme celui de Franz, il regardait d’un côté la campagne, de l’autre il donnait sur une cour intérieure où s’élevait la chapelle demi-ruinée des comtes.

C’était la jeune fille elle-même qui avait choisi cette retraite, et sans doute elle avait été guidée dans cette préférence par un vague désir de solitude, car le reste de la famille s’était établi dans l’aile opposée du château. Les Geldberg et leurs associés occupaient cette suite d’appartements qu’avait fait arranger autrefois pour son usage, l’intendant Zachœus Nesmer.

Si Lia cherchait en effet la solitude, il lui aurait été difficile de tomber mieux : sa chambre n’avait pour voisine que celle de Franz, dont elle était séparée par une épaisse muraille. Elle était, du reste, entièrement isolée et formait l’extrême pointe du château, du côté des grands bois qui entouraient l’ancien village de Bluthaupt.

Pour préciser mieux, nous dirons que l’une de ses fenêtres, dominant la partie basse du rempart, était située immédiatement au-dessus de