Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XI.

LE PASSAGE DU COMTE NOIR.

Il y avait vingt ans que le comte de Bluthaupt et sa femme étaient morts, assassinés, dans cette chambre. Mais, à part les cadres d’or, enlevés par une main rapace ou jalouse, le temps n’y avait rien changé.

Nous eussions reconnu, autour de la vaste cheminée, les sièges où s’asseyaient, dans la nuit fatale de la Toussaint, Zachœus Nesmer, le roide intendant de Bluthaupt, le gros physicien Fabricius Van-Praët, et le docteur portugais José Mira préparant son élixir de vie. À droite de l’âtre, se dressait le haut fauteuil armorié où reposait d’ordinaire le maître de Bluthaupt.

Dans l’embrasure de la fenêtre, donnant sur la cour, nous eussions reconnu encore la place où Hans Dorn, le page, et la servante Gertraud, s’entretenaient pendant que la comtesse Margarethe gémissait derrière ses rideaux.

Au centre de la pièce, enfin, nous eussions retrouvé sur le parquet cette tache noirâtre que le doigt tremblant de Gertraud avait montrée au page et qui marquait la place où les trois Hommes Rouges sortant de terre, avaient jeté mort, une certaine nuit, cet hôte mystérieux de Bluthaupt qui portait le nom de baron de Rodach.

Durant vingt années d’abandon une épaisse couche de poudre avait re-