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D’autres fois, on l’avait vu tirer son sabre au milieu d’une allée déserte ; la lame polie avait jeté dans la nuit ses fugitives étincelles.

Le Madgyar, saisi de vertige, se battait contre le vide.

Les autres associés le laissaient à son humeur noire, et poursuivaient leur œuvre de sang.

Jusqu’ici, la fête n’avait rempli qu’un des deux buts proposés. Le crédit était relevé sur des bases magnifiques, mais Franz vivait.

Depuis l’arrivée en Allemagne, pas un seul jour ne s’était passé dans l’inaction ; on avait travaillé en conscience ; chacun avait fait son devoir. Mâlou, dit Bonnet-Vert, et Pitois, dit Blaireau, avaient montré tous les deux des talents d’assassins estimables ; Fritz, ivre du matin au soir, avait fait ce qu’il avait pu.

Jean Regnault lui-même le pauvre malheureux, après s’être échappé durant les premiers jours, et avoir erré dans les bois comme un sauvage pour se soustraire à sa tâche fatale, était revenu enfin de lui-même, poussé par le froid et la faim.

Le cabaretier Johann, général en chef des estafiers de Geldberg, l’avait reçu à bras ouverts, comme l’agneau égaré qui rentre au bercail.

Jean avait rendu çà et là quelques petits services, sans bien savoir ce qu’il faisait. Un voile épais et lourd était sur son intelligence ; il ne raisonnait plus.

Mais, malgré tous ces efforts réunis, Franz se portait à merveille.

Deux ou trois chutes sans importance et une égratignure à l’épaule, tel avait été le résultat unique de ce grand déploiement de forces.

Là, pâlissait la bonne étoile de Geldberg. Franz était la pierre d’achoppement où trébuchait et s’arrêtait l’heureuse chance de l’association.

Aussi n’avait-on pu agir contre lui comme on l’avait espéré d’abord, sans façon et tout uniment. Bien que le baron de Rodach n’eût pas eu le temps de réaliser complètement son projet à l’égard de Franz et de lui faire un équipage de prince, le jeune homme tenait cependant un assez brillant état au château de Geldberg.

Hans Dorn, qu’il avait institué son banquier à Paris, lui avait prêté des sommes considérables, eu égard surtout aux situations respectives du créancier et du débiteur, dont l’un était un pauvre marchand d’habits,