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CHAPITRE IX.

LE FEU D’ARTIFICE.

Ce fut comme le coup de baguette d’un enchanteur puissant. La détonation retentit prolongée à la fois par les échos du schloss et ceux de la forêt. Les ténèbres vaincues reculèrent. La foule, assemblée autour du vieux manoir, surgit tout à coup de l’ombre, éclairée comme en plein jour. Le paysage connu renaissait sous des couleurs étranges et nouvelles ; et, de toutes parts, la nuit, repoussée pour un instant et prête à reconquérir sa place usurpée, entourait le tableau comme un grand mur d’ébène…

Au-dessus des têtes, le ciel se teignait d’une pourpre sombre ; le château, qui semblait embrasé des fondements jusqu’au faîte, disparaissait derrière une pluie ardente dont les mille étincelles descendaient, remontaient et retombaient encore.

Vous eussiez dit des jets de feu liquide, lancés par des myriades d’invisibles tuyaux. Ils jaillissaient dispersant et mêlant leurs fougueux tourbillons. Les couleurs changeaient ; la fumée épaisse, mais lumineuse, se teignait de mille nuances fantastiques.

Le pourpre combattait l’azur et mettait des reflets de sang aux branches dépouillées des arbres ; des nuages grisâtres roulaient qui, lente-