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— Je ne dis pas, riposta Ficelle ; avec un acteur capable et de beaux décors…

L’heure avançait ; quelques minutes encore et le signal allait être donné.

Mais ce sujet d’entretien, qui avait gagné comme une contagion de proche en proche, diminuait singulièrement l’impatience générale. On ne pensait plus guère au feu d’artifice ; les trois Hommes Rouges, voilà ce dont chacun s’occupait.

Les on dit se croisaient ; les hypothèses ricochaient d’un groupe à l’autre ; beaucoup de dames, amantes du merveilleux, pensaient que pour rendre la fête complète, les Geldberg auraient dû donner, avant le départ, une représentation des trois Hommes Rouges. Réellement, il était piquant de revenir à Paris sans avoir vu la moindre apparition !

À un certain moment, M. le chevalier de Reinhold, qui accompagnait madame la vicomtesse d’Audemer et Denise, se trouva auprès de Sara.

— Comme ce quart d’heure est long ! murmura-t-elle.

— Patience ! répondit Reinhold, cela vaut la peine d’attendre.

Sara reprit sa conversation avec le petit lion, et Reinhold continua de dire des fadeurs à la vicomtesse.

Denise se taisait. Elle avait une vague frayeur, en songeant que Franz allait se trouver au milieu des pièces d’artifices.

Dans toute l’enceinte réservée il n’y avait peut-être qu’eux seuls, avec Julien d’Audemer, qui entretenait tout bas sa belle comtesse, à ne point parler des trois démons de Bluthaupt.

Le timbre fêlé du beffroi sonna le premier coup de huit heures.

C’était le signal, tous les regards se concentrèrent sur le château.

Reinhold, Mira et madame de Laurens ne se contentèrent pas de regarder ; ce coup de cloche produisit sur eux un effet analogue et bizarre.

Sara quitta brusquement le bras de son petit lion ; Reinhold abandonna madame d’Audemer étonnée, et le docteur, cédant à une distraction peu flatteuse pour la duchesse de Tartarie, planta là ce vieux souvenir de nos conquêtes.

Ils s’élancèrent tous les trois en avant, poussés par une irrésistible envie de voir ; ils se rencontrèrent à la limite de l’enceinte.