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Ces trois catégories de spectateurs parlaient fort différemment de la maison de Geldberg.

Les invités de première classe portaient la maison dans leur cœur ; on les hébergeait royalement, on leur promettait d’immenses bénéfices ; ils n’avaient pas assez de louanges pour ces probes banquiers opulents qui faisaient un si noble usage de leur fortune.

Le faubourg Saint-Germain était sur ce sujet du même avis que la Chaussée-d’Antin, et le faubourg Saint-Honoré n’avait pas d’autre opinion.

Les noms historiques, il y en avait, ma foi, bon nombre, condescendaient gracieusement à tripler leurs capitaux. La pairie et la chambre élective, qui étaient là fort amplement représentées, s’unissaient en un touchant accord pour promettre des voix à la concession.

Il n’y avait, bien entendu, aucun esprit de parti dans cette réunion de famille ; comme on a pu le remarquer en mille et une circonstances, nos whigs et nos tories sont susceptibles de s’entendre, dès qu’on parle de chemins de fer.

Il faut savoir adoucir ses opinions trop farouches, quand il s’agit de servir son pays ; or, qui pourrait nier les avantages des voies ferrées ?

Évidemment, la prime ne fait rien à la chose.

Pour prétendre le contraire, il faut être un misérable n’ayant ni feu ni lieu, un journaliste poussif, vivant de scandale, un négateur, un rapin, un mauvais Français, un bizet, un sauvage !…

Les invités surnuméraires n’étaient pas complètement du même avis : il y avait un peu de jalousie dans leur fait. À part les Anglais qui avaient acheté leurs cartes un prix fou, c’était, pour le plus grand nombre, des lions de qualité douteuse, des oisifs, des bourgeois entêtés d’élégance, en un mot, le second marc de la fashion.

Parmi ces gens-là, on n’avait pas honte de se plaindre ! On avouait que les fêtes de Geldberg étaient magnifiques ; mais on parlait d’appâts, de pièges, des cancans !…

Quant aux naturels du Wurzbourg, ils allaient beaucoup plus loin. Cette grande famille de Bluthaupt, morte depuis vingt ans, avait laissé dans la contrée des souvenirs indélébiles.