Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avenue de mélèzes, au centre de laquelle s’ouvrait le précipice de la Hœlle.

Ils dépassèrent en un clin d’œil le champ où se couchaient les mines blanches de l’ancien village de Bluthaupt : aucune lueur ne se montrait plus dans la direction du château ; cette fusée isolée n’était qu’un signal sans doute.

Quelques minutes encore, et ils mettaient pied à terre, tandis que leurs montures se couchaient pantelantes sur le gazon.

Ils étaient derrière le château, sur cette plate-forme dépourvue d’arbres, située à l’opposite de la porte principale.

Devant eux, Bluthaupt dressait sa masse sombre, dont les mille échancrures apparaissaient à peine dans la nuit.

Aux fenêtres, on voyait çà et là briller quelques lumières, par dessus les fortifications qui s’abaissaient à cette place.

La pelouse semblait déserte. Au delà du fossé large et profond, les trois frères voyaient comme une lueur faible qui se mouvait avec lenteur et en divers sens.

Quoiqu’on ne pût rien distinguer par cette nuit profonde, il était facile de calculer que cette lumière devait se trouver en dessous des murailles et sur les rocs taillés à pic qui formaient la base des fortifications.

Les trois frères n’avaient point ce qu’il fallait de loisir pour disserter sur cette lueur et deviner par quel moyen elle se trouvait ainsi suspendue au-dessus du précipice.

Trois coups venaient de sonner à la cloche enrouée du beffroi ! c’était huit heures moins le quart.

Maintenant que le bruit de leur propre marche n’emplissait plus leurs oreilles, nos trois voyageurs entendaient un bruit confus sortir des taillis voisins : c’étaient des murmures vagues qui allaient s’étouffant parfois et parfois s’enflant tout à coup.

De temps en temps, un éclat de rire s’élevait ; de temps en temps, un petit cri de femme.

Si les trois frères avaient eu l’esprit assez libre pour explorer la route parcourue, la source de ces bruits leur eût été d’avance expliquée.

Ils étaient comme au milieu d’une salle de spectacle immense ; le théâ-