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l’avenir nous réserve ?… Dans huit jours, nous serons sous les verrous, c’est vrai… mais on revient de partout, excepté de l’autre monde !

Albert repoussa le verre de vin ; Goëtz le but à sa place.

— Et vous, Otto, dit-il, quand les autres travaillent, vous n’avez pas coutume de rester oisif… qu’avez-vous fait ?

— Pendant que vous jouiez mon rôle à Londres et en Hollande, répondit Otto, je jouais un peu le vôtre à Paris… je fréquentais la maison de jeu de la rue des Prouvaires, Goëtz… et je donnais des rendez-vous à une de vos maîtresses, Albert.

— Est-ce bien vrai ?… dirent ensemble les deux frères.

— Parfaitement vrai… De plus, je faisais escompter une traite de cent trente mille francs par un marchand de haillons du Temple… en outre, je surveillais notre Gunther de mon mieux, et plût à Dieu que je n’eusse jamais abandonné ce soin à personne !

» Vous savez déjà ma conduite vis-à-vis des trois associés de la maison de Geldberg.

» Je vous parlerai seulement de cette maîtresse de notre frère Albert, à qui j’ai donné des rendez-vous, et qui m’a fourni en revanche cent mille écus pour parer à la crise de la maison…

— Peste ! fit l’homme à bonnes fortunes, je ne me connaissais pas de maîtresses si bien en fonds !

— C’est cette Sara, dont nous prononcions le nom tout à l’heure, dit Otto.

— Sara de Ligny ?…

— Sara ce que vous voudrez… Elle a comme cela bien des noms, et je pourrai vous dire tout à l’heure celui de son mari avec celui de son père.

» Il faut m’écouter, Albert, car vous allez vous retrouver face à face avec cette femme.

— Au château ?

— Au château… mais, en vérité, plus j’y pense, plus je me trouve avoir fait le Lovelace à vos dépens, mes frères… j’ai vu aussi une de vos maîtresses, Goëtz.

— À moi ? dit le joueur, je n’en ai pourtant guère.

— La comtesse Esther.