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seule fois la tête. Seulement, quand elle se leva pour gagner sa voiture, nos yeux se rencontrèrent.

» Une nuance rosée descendit de son front à sa gorge ; elle rabattit vivement son voile et pressa le pas pour sortir de la chapelle.

» Je la suivis. Au moment où ses chevaux s’ébranlaient, sa main blanche sortit de la portière et me fit un petit signe.

» C’en fut assez ; j’étais fou. La voiture partit au galop ; je voulus suivre à pied la voiture. Dix minutes après, je m’arrêtais, épuisé, à quelque carrefour de la cité.

» L’équipage d’Éva venait de disparaître au tournant d’une rue, et l’atteindre était désormais impossible.

» Je m’éveillai. Ne pouvant mieux faire, je pensai au Madgyar. Je me dirigeai tristement vers l’adresse indiquée par M. le chevalier de Reinhold.

» Le Madgyar Yanos demeure dans une de ces petites rues qui tournent et se mêlent derrière Saint-Paul.

» On est tenté d’avoir pitié des malheureux, réduits à vivre dans ces ruelles étroites et humides ; mais ces malheureux sont presque tous quatre ou cinq fois millionnaires.

» Quand j’eus pesé sur le petit bouton de cuivre qui brillait à gauche de la porte d’Yanos, un énorme groom, vêtu en cavalier hongrois, et brodé d’or des pieds à la tête, vint me demander, d’un air solennel, mon nom et le but de ma visite.

» On n’entre pas comme on veut chez le seigneur Georgyi ; sa maison est une place de guerre et tout y inspire des idées d’assaut et de bataille. Je traversai, à la suite du groom, une série de pièces dont l’ameublement avait quelque chose d’oriental. Le Madgyar avait dédaigné les modes de Londres ; il s’était fait une maison à la manière de son pays, au milieu de ce plat confort qui nivelle toutes les demeures anglaises.

» — Restez ici, me dit le groom en entrant dans une dernière pièce, meublée avec une magnificence véritable, et d’où l’on apercevait, par une porte ouverte, les murailles nues d’une salle d’armes ; je vais venir vous chercher.

» Je restai seul, debout, au milieu de la chambre, percée de quatre