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Les stores tombèrent comme d’eux-mêmes.

Quand la ville fut traversée, et que la chaise roula de nouveau sur le sable désert de la route, Otto reprit la parole.

— Nous arriverons à temps avec l’aide de Dieu, dit-il, en cherchant maintenant à calmer les terreurs qu’il avait provoquées ; notre chaise va comme le vent, la route fuit ; il n’y a guère plus de quatre heures que nous avons quitté Paris…

— Oui, murmura Goëtz ; mais le chemin est long d’ici jusqu’à Bluthaupt !

— Du courage ! reprit Otto, et de l’espoir !… quelque chose me dit que nous arriverons.

Les deux autres frères étaient accoutumés à écouter cette parole comme un oracle ; il y avait d’ailleurs dans leurs natures, dissemblables sur tous autres points, un élément pareil : l’insouciance.

Au bout de cinq minutes, ils avaient repris leur humeur confiante.

— Depuis huit jours, dit Otto, c’est à peine si je vous ai entrevus, mes frères… Je sais que Goëtz a réussi en Hollande, comme Albert en Angleterre… mais voilà tout ; et maintenant que je vais me trouver peut-être en face du Madgyar et de Van-Praët, sans parler des trois associés, il me serait indispensable de connaître certains détails… Par exemple, le Madgyar a parlé de son honneur outragé… Albert, vous pourriez sans doute m’expliquer cela ?

— Avec la plus grande facilité, répondit l’homme à bonnes fortunes, dont la voix reprit, malgré lui, un léger accent de fanfaronnade infatuée.

— Et vous, Goëtz, sauriez-vous dire pourquoi meinherr Van-Praët m’a prié tout bas de ne point révéler les moyens employés par moi, par vous plutôt, pour lui arracher le pouvoir écrit de retirer des mains de son homme d’affaires les fameuses lettres de change ?

Goëtz se mit à rire franchement.

— Oui, oui, frère, dit-il, je puis vous expliquer la chose… cela vous prouvera du moins, ce qui n’est pas inutile, dans l’intérêt de la morale, que le vin et les cartes peuvent être bons à quelque chose… Mais avant de commencer, ne pensez-vous pas qu’il serait à propos de donner signe