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Rodach le suivait d’un regard curieux.

La petite Galifarde écoutait toujours. Depuis qu’elle était au service d’Araby, jamais homme n’avait franchi le seuil de son sanctuaire.

L’usurier s’arrêta un instant devant le monceau poudreux. Il jeta un coup d’œil oblique vers le baron, puis il écarta les débris un à un.

Il y allait lentement et bien à contre-cœur.

Quand il eut enlevé par douzaines les pantalons déchirés, les bottes moisies, les habits hors d’usage, on vit apparaître sous les derniers lambeaux, la corniche noire d’une grande caisse de fer.

Il s’arrêta ; sa poitrine oppressée lui refusait le souffle.

— Allons ! dit Rodach.

Araby lui jeta un regard de sang.

— Puisses-tu mourir désespéré ! murmura-t-il en passant sa main sous les revers pelés de sa houppelande.

Il tira de son sein une clef qu’il introduisit dans la serrure de la caisse de fer. Celle-ci s’ouvrit avec un grincement criard.

L’usurier saisit son cœur à deux mains ; c’était pour lui comme le râle d’agonie de son ami le plus cher. Son âme était déchirée.

— Allons ! dit encore Rodach.

— Oh ! grinça l’usurier ; si mes dents avaient du venin comme celle du serpent !… si mes ongles déchiraient comme ceux du tigre !…

Il plongea ses deux mains à la fois dans la caisse et en fouilla les vastes recoins durant quelques secondes ; puis la porte de fer cria de nouveau sur ses gonds.

Araby revînt vers son bureau, il avait un paquet sous le bras.

— Venez, dit-il à Rodach.

Ils se penchèrent tous deux sur la tablette, et l’usurier défit son paquet qui était composé de billets de banque.

Le compte fut long et difficile ; plus d’une fois Araby ressaisit son trésor, comme s’il ne pouvait supporter l’idée de s’en séparer. Son souffle râlait, des larmes brûlantes se séchaient sous ses paupières dépouillées.

D’autres fois, changeant de tactique, il essayait de tromper et de soustraire çà et là un billet sur la somme totale.