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L’idiot roula ses yeux hagards et s’enfuit à l’autre bout de la chambre.

Victoire voulut s’approcher. L’idiot fronça le sourcil et s’arma de son grand clou, pointu comme un poignard…

Vers quatre heures de l’après-midi, l’aïeule. Victoire et Geignolet prirent le chemin des Messageries royales.

Quelques minutes après, Hans Dorn et sa fille se dirigeaient vers les voitures Laffitte et Gaillard, où ils trouvèrent Hermann et ses braves compagnons, déjà installés, les uns sur l’impériale, les autres dans la rotonde.

Aux Messageries royales, pendant que la famille Regnault s’asseyait aux places les moins chères, Joséphine Batailleur, baronne de Saint Roch, prenait possession d’un coin d’intérieur et recevait des mains respectueuses de madame Huffé ses menues provisions de voyage : un monstrueux panier qui avait peine à passer par la portière, et dont les vastes flancs renfermaient veau, poulet, jambon, pâté, vin, liqueurs, fromage et autres vivres, le tout calculé pour une traversée de quinze jours.

La portière allait se refermer sur Batailleur et la petite Galifarde, qui était gentille comme un ange, avec sa robe toute neuve et ses beaux cheveux lissés en bandeaux pour la première fois de sa vie. Madame Huffé s’essayait à sa dernière révérence et méditait des larmes d’adieu ; le postillon était sur son siège ; on allait partir, lorsque Polyte, éperdu, vint accrocher sa grosse main gantée à la portière.

— Joséphine ! Joséphine ! dit-il d’une voix étouffée, si tu me quittes comme ça, je vais faire un malheur !

Joséphine détourna la tête ; Polyte voulut lui prendre les mains ; elle les retira.

Le lion du Temple sentit son cœur défaillir : pour se faire une idée de son angoisse, il faut penser aux rois qui perdent leur trône ou aux sous-préfets destitués.

— Joséphine ! Joséphine ! murmura-t-il d’un ton déchirant ; ça t’est donc bien égal de me voir me périr ?…

Batailleur voulut résister encore, mais elle ne put retenir un coup d’œil ; ce fut sa perte. Polyte était frisé par le perruquier ; il avait une cravate