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Il fouilla dans la poche de sa houppelande et en retira une poignée de gros sous.

Parmi ces gros sous, il choisit, après un minutieux examen, le plus mince et le moins marqué.

— Tiens, dit-il avec une paternelle bonté, paresseuse ! voilà qui te donnera le temps de chercher une autre place.

Il s’échappa en toute hâte, soit pour ne point revenir sur son mouvement de générosité prodigue, soit pour se soustraire aux remerciements de la Galifarde.

Il avait soixante-dix ans ; c’était le premier sou qu’il donnait de sa vie !

Ce jour-là, pour la dernière fois, les gamins du Temple, riant et criant, firent la conduite au bonhomme Araby.

On ne le vit plus, vers neuf heures et demie, déboucher tous les matins par la rue de la Petite-Corderie.

Jusqu’à la fin de la semaine, son échoppe resta inoccupée, puis un autre locataire vint s’y installer.

Ce nouveau locataire, que chacun connaissait dans le marché pour un pauvre homme, n’y resta pas longtemps. Il disparut au bout de quinze jours, et bien des gens prétendirent, depuis, l’avoir rencontré dans un splendide équipage.

Mais les rumeurs qui courent sont folles ! Le jour où le bonhomme Araby abandonna la Rotonde du Temple, n’y eut-il pas un marchand d’habits ambulant qui affirma l’avoir rencontré dans une magnifique chaise de poste, au delà de la barrière de La Villette, sur la route d’Allemagne !…

La chaise de poste galopait, traînée par quatre fringants chevaux, et le bonhomme Araby, habillé comme un Monsieur, s’étendait sans façon sur les coussins, au milieu de deux ou trois belles dames.

On rit beaucoup de ce marchand d’habits qui avait sans doute trop bu à la barrière. Voyez un peu, le bonhomme Araby dans une chaise de poste avec de belles dames !…

Quoi qu’il en soit, l’histoire du locataire, successeur d’Araby, et de son équipage passa au nombre des chroniques du Temple. On disait volontiers que le vieil usurier avait enfoui un trésor sous les carreaux de sa