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Il y avait déjà des bonbons, des charlottes et des suprêmes à la Geldberg.

On s’occupait d’établir des pendules, des toilettes, des fauteuils, etc., le tout à la Geldberg.

Les marchands d’estampes avaient la lithographie du vieux manoir ; un Strauss quelconque publiait d’avance en walse les souvenirs de Geldberg, et le grand Musard faisait rayonner le nom de Geldberg, en tête de ses plus fulgurants quadrilles.

Geldberg ! Geldberg ! on n’entendait que ce mot, on ne voyait que ce mot. C’était une fureur.

À Paris, les bals et les concerts se traînant, tristes et honteux, les gens sachant vivre avaient pudeur de s’y montrer ; car c’était dire : Nous ne sommes pas à Geldberg.

Sur le boulevard Italien, on ne voyait plus guère que des gants jaunes ayant servi deux fois, et des bottes revernies ; le foyer de l’Opéra faisait peine à contempler ; Paris n’était plus dans Paris.

Car aux époques où notre fashion se porte en masse sur un point quelconque du globe, ce ne sont pas les absents seuls qui nous manquent. Nous savons des cravaches nécessiteuses et des éperons indigents qui, ne trouvant point dans leur bourse vide de quoi franchir la barrière, se contentent de fermer leurs persiennes et de faire les morts. Les plus spirituels profitent de ces occasions pour rencontrer un garde du commerce et humer un peu le bon air de Clichy.

Ces lions malheureux sont aux véritables lions ce que les marmottes sont aux hirondelles.

Hirondelles et marmottes disparaissent en effet pendant la moitié de l’année : les unes s’envolent vers le beau soleil ; les autres jeûnent, engourdies, dans un trou…

Il y avait du reste deux classes d’invitations bien distinctes. Les élus d’abord, à qui tous les honneurs étaient prodigués, chaises blasonnées pour faire la route, et à l’arrivée, logement splendide entre les murs du château restauré.

Le nombre de ces invitations était naturellement assez limité ; les invitations de seconde classe se multipliaient, au contraire, presque indéfiniment.