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moderne Renommée trompette à tant la note, c’est la nouvelle d’un grand désastre.

Ici la presse peut se taire ; sa voix est vaine : son cri n’ajoute rien à la clameur commune. Écoutez ! Il y a vingt hommes tués, cinquante blessés ! On a vu de pauvres petits enfants morts entre les bras de leurs mères ! et les jambes rompues ! et les pleurs ! et le sang !…

Cela glisse le long des grandes routes avec la rapidité du télégraphe électrique ; cela se sent et se devine ; les choses inanimées en parlent. À ces récits lugubres, dont chacun est friand à son insu, toutes les puissances du globe réunies ne sauraient point barrer le chemin.

Ils passent de bouche en bouche ; on frémit à les écouter ; on les répète, on les brode, on les amplifie ; et, si le sinistre est de taille convenable, l’univers obtient ce résultat capital que deux ou trois millions d’oisifs ont passé leur journée sans trop d’ennui.

Mais à toute autre nouvelle il faut prêter secours, et c’est la presse qui dispense d’une main souvent peu équitable la lumière et l’obscurité.

Des faits graves ont lieu que nul ne soupçonne, et tout à coup un événement insignifiant survient qui est dans toutes les bouches.

Quiconque veut faire parler de soi sans se noyer, sans se pendre ou sans laisser ses os, à la fleur de l’âge, sous les décombres d’une maison écroulée, doit rechercher les bonnes grâces d’un journal.

Ce que le journal prend sous sa protection vit vingt-quatre heures, et c’est énorme ! Tel causeur à la mode peut même, s’il le veut bien, vous donner une gloire qui dure toute la semaine. Enfin, celui que le public a choisi pour son Mentor préféré, l’homme qui, à force d’esprit, de verve et de style, a saisi pour un temps le sceptre envié de la critique, Jules Janin, par exemple, pourrait exécuter ce tour de force de vous faire exister jusqu’à la fin du mois.

Le journalisme daignait entourer de sa souveraine bienveillance la fête de Geldberg. Grâce à M. le comte de Mirelune, qui était très-répandu parmi la gent quasi-littéraire, les magnificences du vieux château d’Allemagne avaient fourni déjà bon nombre de faits-Paris. Isidore Chauvinel et Sigismond Coquelin, ces deux gros hommes qui apprennent hebdoma-