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role vive se pressait sur sa lèvre, mais Rodach lui demanda le silence d’un geste ; il se tut.

— Vous, monsieur de Reinhold, reprit le baron, vous aviez avec le seigneur Georgyi une affaire toute semblable… vous savez qu’elle est arrangée.

— Plût à Dieu ! pensa le chevalier, qui glissa vers Yanos une œillade timide.

Reinhold avait raison de douter ; la joue du Madgyar était livide, et ses sourcils se contractaient violemment.

On lisait en quelque sorte l’insulte et la menace sur sa lèvre, qui demeurait muette pourtant. Pour la première fois de sa vie peut-être, il essayait de dompter sa colère, et c’était une rude tâche !

Le chevalier, que sa poltronnerie rendait en ces matières un sur observateur, s’étonnait sincèrement que la tempête n’eût point éclaté encore ; d’habitude, le Madgyar n’y mettait point tant de façons.

Pour avoir comprimé pendant plusieurs minutes la fougue sauvage du seigneur Yanos, il fallait vraiment que ce baron de Rodach eût en poche un talisman !

Mais la tempête menaçait toujours ; les nuages s’amassaient sur le front du Madgyar. Reinhold pensait avec effroi qu’on ne perdrait rien pour attendre.

Malgré cette crainte, il s’applaudissait ; le baron était désormais comme un bouclier entre lui et la brutale vaillance du Madgyar. Si le Madgyar devait faire voir le jour encore à ses grands pistolets, ce serait sans doute un argument à l’adresse de M. le baron.

Celui-ci semblait aussi parfaitement à son aise que s’il eût été entouré d’amis dévoués.

Il garda un instant le silence, comme pour attendre les félicitations de ses mandants, touchant sa triple mission, si heureusement accomplie.

En tête-à-tête, on l’aurait accablé d’actions de grâces, mais ici les félicitations pouvaient avoir leur danger : on se taisait ; les regards même n’osaient point parler trop clairement.

— La maison de Geldberg est-elle contente de moi ? demanda-t-il enfin.