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Cette demande sonna désagréablement à toutes les oreilles ; car chacun avait à dissimuler quelque impression secrète, et les ténèbres étaient propices à tous.

Mais refuser était impossible. Le chevalier obéissant, sonna ; l’instant d’après, la chambre du conseil était brillamment éclairée.

Cette lumière soudaine fit un peu l’effet du premier rayon du soleil attaquant les prunelles effarouchées d’une troupe d’oiseaux de nuit. On baissa les yeux à la ronde, puis les regards errants ne surent où se fixer ; les assistants étaient dans cette position difficile de n’oser pas plus correspondre du regard entre eux qu’avec M. de Rodach.

Rodach était seul contre tous ; mais ils étaient tous les uns contre les autres.

Quand le baron fit une seconde fois de l’œil le tour de l’assemblée, il ne rencontra qu’une seule prunelle à découvert ; encore tremblait-elle, comme offusquée par l’éclat des bougies ; c’était celle du Madgyar Yanos, où il y avait de la haine, mais aussi de la crainte.

Le baron ne voulut point prendre garde.

— La présence de Madame et de ces Messieurs, poursuivit-il, me donne à penser qu’il serait peut-être superflu de rendre un compte détaillé de ma triple mission.

Les trois associés de Paris cherchèrent un biais pour s’incliner sans être vus de leurs hôtes.

— Vous savez d’avance, je le vois, reprit Rodach avec lenteur, vous, José Mira, que j’ai obtenu de madame de Laurens une faible partie de la somme en question.

Petite changeait de couleur derrière sa main étendue, mais sa bouche ne s’ouvrit point.

— Vous, monsieur Abel de Geldberg, continua le baron, vous savez que j’ai amené meinherr Van-Praët à mettre entre mes mains les traites dont le paiement devait être exigé aujourd’hui même.

— Cher Monsieur, murmura le Hollandais doucement, il est bien entendu que ces traites sont toujours ma propriété…

— Ce n’est pas mon avis, répliqua Rodach.

Le teint fleuri du Hollandais prit une légère nuance ponceau ; une pa-