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Le nouveau venu avançait toujours. Il quitta l’ombre et entra dans la zone lumineuse que projetait le foyer.

Un souffle contenu s’échappa en même temps de toutes les poitrines.

C’était bien M. le baron de Rodach. L’espoir secret de chacun était trompé. Il n’y avait point d’erreur.

Yanos reconnaissait l’homme de Londres, Van-Praet l’homme d’Amsterdam, Sara l’homme de Paris.

Abel, Reinhold et Mira, reconnaissaient le messager dont chacun d’eux avait fait choix.

Le miracle avait un corps. Il était là, pour amsi dire, en chair et en os, et toujours plus étrange, et toujours plus inexplicable !

Le baron s’arrêta debout en face du foyer ; sa belle tête, éclairée en plein, ressortait, puissante et lumineuse, sur un fond de ténèbres ; l’esprit ébranlé des assistants voyait comme une auréole à son front.

À part toute fantasmagorie, c’était une fière et admirable figure. L’air de fatigue et de tristesse que nous lui avons vu au commencement de cette histoire avait complètement disparu. Tout en lui était force et vaillance ; sa riche taille se dressait hautaine ; le calme assuré de son regard semblait défier tout œil humain de lui faire baisser la paupière.

Il salua en silence. Les associés lui rendirent son salut avec un empressement craintif.

Abel, qui était le plus près de la porte, se leva et lui avança un fauteuil.

Avant de s’asseoir, le baron parcourut de l’œil le cercle des assistants. Il reconnut le Madgyar, meinherr Van-Praët et madame de Laurens. De la réunion de ces trois personnages et de l’attitude des trois associés parisiens, il ne put manquer de conclure qu’une explication venait d’avoir lieu, explication dont il était lui-même l’objet principal. S’il s’en émut intérieurement, nul n’aurait su le dire : ses traits ne parlèrent pas.

— Je venais ici, dit-il, pour rendre compte de trois missions que les chefs de la maison de Geldberg m’avaient fait l’honneur de me confier… Si ma présence dérange quelque entretien, je suis prêt à me retirer.

Cette question si simple demeura un instant sans réponse, tant il y avait de trouble dans l’assemblée. Le premier qui reprit un peu de sang-froid