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se faisait à chaque instant plus onctueuse, gardez-vous d’enlever à cette heureuse entrevue son caractère tout amical… Je crois comprendre que notre chère Sara est dans le même cas que nous… Hélas ! l’intérêt divise comme cela les familles ! mais si son affaire est aussi simple que les nôtres, je veux que nous soyons tous d’accord avant dix minutes.

Il adressa un doux sourire à madame de Laurens.

— Procédons méthodiquement, reprit-il, et puisque nous avons une dame parmi nous, cédons-lui la parole, comme l’exige là galanterie.

— La coutume de la maison, répondit Petite d’un accent libre et ferme qui eût fait honneur à un avocat, était, à ce qu’il paraît, de déléguer un de ses membres, qui avait charge de s’occuper d’un ou plusieurs comptes particuliers…

— C’est parfaitement exact, interrompit Van-Praët ; car depuis la retraite du vénérable Mosès, je n’ai eu de rapports qu’avec mon jeune ami Abel.

— Moi, j’ai eu le malheur de traiter avec cet homme ! ajouta Yanos, en montrant du doigt sans façon M. le chevalier de Reinhold.

Le chevalier eut la force de sourire.

— Moi, poursuivit madame de Laurens, j’étais en relations directes avec le docteur José Mira, et je dois dire que j’avais en lui une confiance aveugle… Voici ce qui s’est passé… le docteur a feint une absence ; il m’a dépêché un agent qu’il avait préalablement mis au fait de certains mystères, intéressant M. de Laurens.

Petite ne se troubla point, en prononçant ses paroles.

— M. de Laurens ! continua-t-elle en s’échauffant à froid, un mourant couché sur son lit d’agonie et dont le docteur Mira, en sa qualité de médecin, connaît mieux que personne la position désespérée !… Ah ! Monsieur, s’écria-t-elle en s’adressant tout à coup au docteur, ne pouviez-vous le laisser finir en paix une vie d’angoisses et de souffrances ! il avait encore quelques jours à passer sur cette terre !… vous les avez empoisonnés !

Elle s’arrêta, comme si son émotion l’eût suffoquée.

Ces paroles faisaient sur le Madgyar une impression visible ; il la regardait, ébloui par sa beauté merveilleuse, et, un instant, il oubliait sa propre colère pour épouser le courroux de Sara.